Champillon, 4 juillet 2025 – Les militants de la CGT Champagne saluent l’action syndicale avec détermination et fierté, face aux festivités des 10 ans de l’UNESCO. Une coupe levée non pas pour trinquer, mais pour rappeler que sans justice sociale, il n’y a pas de vraie célébration. © CGT champagne
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 07 juillet 2025
⏱️Temps de lecture 5 minutes
Tandis que les élites sabraient le champagne à Champillon pour fêter les 10 ans de l’UNESCO, la CGT Champagne était seule à rappeler que dans les bulles, il y a de la misère. Exploitation, traite d’êtres humains, logements indignes, salaires bloqués, précarisation généralisée : notre mobilisation du 4 juillet a remis la réalité sociale au centre des célébrations. Loin des discours officiels, nous avons fait entendre la voix des travailleurs et dénoncé l’hypocrisie d’un partenariat à sens unique. Un article à lire, à partager…
La vidéo du rassemblement est diffuser au bas de cet article
Quand la fête masque la souffrance des travailleurs
Alors que la presse titrait ce week-end sur « la Champagne qui souffle ses 10 bougies à l’UNESCO », saluant une décennie d’inscription des paysages viticoles au patrimoine mondial, la CGT Champagne, elle, était sur le terrain – mais pas pour sabrer le champagne. Ce 4 juillet à Champillon, en marge des festivités officielles, l’Intersyndicat a organisé un barrage filtrant à l’entrée du village pour distribuer des tracts et flyers aux convives et rappeler qu’on ne peut pas célébrer la Champagne en ignorant ceux qui la font vivre au quotidien.
Une mobilisation obtenue de haute lutte
Si notre présence a été remarquée, elle n’était pas gagnée d’avance. L’organisation du rassemblement syndical a connu de nombreuses incertitudes jusqu’à la dernière minute. Initialement prévu au rond-point de Dizy, et à la l’entrée de Champillon coté Saint-Imoges, le point de rendez-vous a dû être modifié pour des raisons d’accès et de sécurité. Après plusieurs échanges avec la préfecture, l’Intersyndicat CGT a finalement obtenu l’autorisation officielle de se rassembler sur le parking et le rond-point de la salle des fêtes de Champillon, dans le centre du village.
Ce changement de lieu, décidé dans l’urgence, a nécessité une communication éclair auprès des élus CGT du Champagne. Malgré les obstacles logistiques, la mobilisation a bien eu lieu, grâce à la réactivité des camarades, qui ont répondu présents avec chasubles, casquettes et matériel militant. Cette ténacité syndicale montre une fois de plus notre détermination à ne pas laisser la voix des travailleurs aux portes des cérémonies officielles.
Une vitrine dorée… et des coulisses qu’on préfère taire
Dans les interviews menées par Sébastien KRS sur place, José Blanco, Philippe Cothenet et Sandra Gouriou – membres de l’exécutif de l’Intersyndicat CGT du Champagne – sont revenus sur les raisons de la mobilisation.
« Oui, la Champagne est belle. Mais elle est aussi marquée par l’exploitation de travailleurs étrangers, par des prestations en cascade, et par un esclavagisme moderne que les tribunaux ont reconnu », rappelle José Blanco. « Ce qu’on demande, ce n’est pas d’empêcher la fête, mais d’avoir une traçabilité sociale, de cesser de fermer les yeux. »
Les prestataires fossoyeurs de la Champagne
À travers cette action symbolique, la CGT a voulu alerter : à force de laisser se multiplier les prestataires peu scrupuleux, c’est toute la filière qui est menacée. L’explosion des sociétés de prestations, souvent montées en quelques jours et appuyées par des réseaux d’intermédiaires douteux, pour certains mafieux conduit à une perte de contrôle, une déresponsabilisation des donneurs d’ordres, et à une précarisation généralisée. De plus, elle touche désormais tous les cœurs de métiers de vignerons.
« Si on continue comme ça, les prestataires seront les fossoyeurs de la Champagne telle qu’on la connaît », a lancé José Blanco. « On ne peut pas accepter qu’un donneur d’ordre se défausse de ses responsabilités au prétexte que l’exploitation a été sous-traitée. Il faut qu’il soit responsable jusqu’au dernier maillon. »
La précarité s’installe au cœur des métiers viticoles
Philippe Cothenet, lui-même ouvrier vigneron, alerte sur une tendance lourde : la précarisation n’est plus seulement saisonnière, elle devient structurelle. « Ce qui était concentré sur la période des vendanges s’étend aujourd’hui à tous les temps forts de la vigne : relevage, ébourgeonnage, taille, plantation… » Avec des effets directs sur l’emploi local, les savoir-faire, et la qualité des pratiques.
Il dénonce l’introduction de pratiques culturales motivées uniquement par le profit, comme la taille Guyot dans des crus prestigieux ou les vignes semi-larges. « On réduit le besoin de main-d’œuvre permanente, on uniformise les méthodes, et on prépare un système où les salariés précaires deviennent la norme. »
Un partenariat de façade, des décisions prises sans nous
Si les représentants patronaux se disent prêts à dialoguer, la réalité est tout autre. Malgré la reconnaissance officielle de la CGT comme interlocuteur légitime dans les réunions en préfecture, la profession continue de nous exclure des instances stratégiques comme le CIVC. « Ce n’est pas un vrai partenariat », insiste Philippe Cothenet. « On nous écoute poliment, mais nos propositions ne sont pas retenues. »
Pire, certaines décisions récentes ont même aggravé la situation : le décret de juillet 2024 autorisant les vendanges sans jour de repos, ou encore la reconnaissance artificielle de la viticulture comme métier en tension, facilitant le recours massif à des travailleurs étrangers dans des conditions précaires.
Des salaires au rabais dans une filière riche
Sandra Gouriou a rappelé, enfin, que l’ensemble de ces pratiques s’inscrit dans un contexte social dégradé : smicardisation des grilles de salaires, mépris dans les négociations, et perte de pouvoir d’achat généralisée. « Les coefficients disparaissent, les bas salaires stagnent, et pendant ce temps, la filière continue d’afficher des chiffres d’affaires florissants », dénonce-t-elle.
La CGT seule à alerter… mais pas seule à voir
Ce 4 juillet à Champillon, la CGT était la seule organisation syndicale présente. Seule, mais pas isolée. Les passants ont écouté, lu les tracts, échangé. Même le préfet s’est déplacé pour saluer la CGT. Parce que derrière les lumières et les feux d’artifice, il y a des travailleurs, une région, et un avenir à défendre.
« Aux 10 ans de l’UNESCO… et vive la CGT Champagne ! », a lancé José Blanco à la fin de l’action. En espérant qu’aux 20 ans, la profession aura enfin compris que l’on ne peut construire du prestige sur l’injustice.