Il y a 80 ans naissait le programme des “jours heureux”
Il y a exactement 80 ans, le 15 mars 1944 le programme du Conseil National de la Résistance a été adopté à l’unanimité de ses 16 membres.
Réuni à Paris pour la première fois dans la clandestinité le 27 mai 1943, au 48 rue du Four, au premier étage de l’immeuble, le Conseil National de la Résistance présidé par Jean Moulin rassemble les mouvements de résistance, les partis politiques et les syndicats engagés dans le combat pour la libération du pays.
À l’occasion de cet anniversaire, la CGT a organisé un colloque intitulé « Ecrivons la suite… des jours heureux », au cinéma l’Arlequin.
Quelles leçons tirer du programme du CNR dans le contexte actuel, alors que la menace de l’extrême droite est de plus en plus réelle ?
C’est autour de cette question que s’est articulé le programme du colloque :
- Première table ronde : « Le programme du CNR, une rupture avec le capital » (voir la vidéo de l’IHS ici)
- Seconde table ronde : « Résister aujourd’hui, construire demain »
En présence de Sophie Binet pour la CGT, François Hommeril pour la CFE-CGC, Frédéric Souillot pour FO, Murielle Guilbert pour Solidaires, Benoît Teste pour la FSU et Marylise Léon pour la CFDT (en vidéo), cette deuxième table ronde fut l’occasion pour les différent·es secrétaires généraux des centrales syndicales françaises d’échanger sur de possibles perspectives.
Rassemblement commémoratif à 15h au 48 rue du Four
Après une lecture d’extraits « Des jours heureux » par Anna Mouglalis et l’interprétation du Chant des partisans par Marion Gomar, Vincent Ginsburger-Vogel (petit-fils de Pierre Villon principal rédacteur du programme du CNR), Pierre Caillaud-Croizat (petit-fils d’Ambroise Croizat) et Guy Hervy (comité de libération parisien et musée de la Résistance nationale de Champigny) sont revenus sur l’histoire du CNR.
Pour clôturer cette initiative, Sophie Binet a prononcé un discours
Tout au long de cette journée, la CGT a commémoré son histoire et a rappelé le rôle central du syndicalisme et de la CGT dans l’élaboration du programme du CNR, à l’image de celui que le mouvement ouvrier a joué dans la résistance.
Un tiers des membres du CNR étaient des militants syndicaux.
La secrétaire générale de la CGT a tenu à rendre hommage à ces centaines de milliers de résistantes et de résistants, à qui nous devons la liberté, mais également nos droits sociaux.
Unifier la résistance ne fut pas facile, mais les membres du CNR étaient d’accord sur l’essentiel : la nécessité de résister à l’occupant nazi et aux réactionnaires de Vichy. C’est l’adversité qui a permis l’unanimité et ainsi de dépasser les clivages.
“Être capable, aux heures les plus sombres de l’histoire, de s’unir pour appeler et annoncer des « jours heureux » témoigne d’une immense clairvoyance.” a rappelé Sophie Binet.
Les jours heureux : un compromis politique
Loin de se limiter à l’abrogation des mesures du gouvernement de Vichy, ou de viser à la restauration des réformes du front populaire, le programme du CNR innove et s’avère d’une grande modernité.
Alors que ce programme a été mis en œuvre dans un pays ruiné, l’unité, des forces politiques et syndicales a été déterminante.
Ce compromis est fort parce qu’il s’est fait sur la base des intérêts du monde du travail.
Le capital, qui s’était largement compromis dans la collaboration avec Vichy et l’Allemagne nazi, était exsangue et à terre.
Pour le monde du travail, les acquis sociaux du CNR sont colossaux et constituent les piliers de notre société depuis 80 ans :
- rétablissement des libertés syndicales,
- sécurité sociale et retraite,
- nationalisations des secteurs stratégiques,
- création des comités d’entreprise,
- liberté et indépendance de la presse,
- démocratisation de l’accès à la culture et à l’éducation…
Ces réformes, mises en place en moins de 3 ans, entre 1944 et 1947, dans un pays ruiné, constituent le programme de transformations démocratiques, politiques, économiques, sociales et culturelles le plus profond, le plus audacieux et le plus vaste entrepris depuis la Révolution française.
Depuis, le patronat saisit toutes les occasions pour bloquer, entraver ou détricoter la mise en œuvre du programme du CNR.
Alors que le programme du CNR vise à reprendre le pouvoir sur les forces de l’argent, le néo libéralisme, lancé dans les années 80, met quant à lui l’Etat au service des marchés financiers.
C’est le sens de la politique menée par l’actuel président Emmanuel Macron en voulant affaiblir la sécurité sociale et l’assurance chômage.
Cette remise en cause sociale se double d’une déchéance morale : les digues érigées grâce à la résistance entre les forces républicaines et l’extrême droite sont consciencieusement détruites, et le RN est désormais considéré comme un parti comme les autres.
Dans ce moment de basculement, l’expérience du CNR doit nous servir de boussole et nous inspirer.
Après 80 ans, l’expérience des Jours Heureux nous oblige à :
- Résister en luttant pour empêcher les reculs et construire des alternatives.
- Rechercher l’unité des forces politiques et syndicales sur la base des intérêts du monde du travail car elle est déterminante.
- Remettre la question sociale au centre avec des perspectives rassembleuses, à l’image du projet de sécurité sociale, alors que l’extrême droite prospère sur les mises en opposition, la défiance et le repli identitaire.