Travailleurs agricoles exploités dans l’Aude, condamnations judiciaires à la clé… Un modèle d’exploitation sous-traitée qui résonne dangereusement jusqu’en Champagne. © CHRISTIAN WATIER / MAXPPP
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 21 mai 2025
⏱️Temps de lecture 3 minutes
Travail dissimulé, exploitation, sous-traitance sauvage : et si l’affaire révélée dans l’Aude annonçait ce qui se prépare en Champagne ? Des condamnations lourdes viennent de frapper des employeurs sans scrupules dans le sud de la France. Mais les méthodes utilisées — sociétés écrans, ouvriers précaires, contournement du droit du travail — sont tristement familières ici aussi. Derrière l’image dorée du Champagne, une précarité organisée s’installe. Notre Intersyndicat CGT tire la sonnette d’alarme. À lire et à faire lire d’urgence.
Selon un article publié par Josette Sanna le 20 mai 2025 sur le site de France 3 Occitanie, trois chefs d’entreprise ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Narbonne pour avoir illégalement employé des ouvriers agricoles étrangers dans le département de l’Aude. À travers un système de sociétés fictives, ces employeurs ont orchestré un vaste dispositif de travail dissimulé, de faux contrats de sous-traitance, et d’embauche de salariés sans autorisation de travail.
Les faits sont graves : des ouvriers agricoles étaient recrutés pour des missions de taille de vigne dans les communes de Camplong-d’Aude et de La Digne-d’Aval. Ces travailleurs, pour la plupart étrangers, étaient maintenus dans une précarité extrême, payés des salaires de misère, sans déclaration, sans protection sociale, et parfois logés dans des conditions indignes.
L’un des chefs d’entreprise a été reconnu coupable de travail dissimulé, de faux en écriture, d’aide à l’entrée de main-d’œuvre étrangère, et de tentative d’escroquerie. Il écope de deux ans de prison avec sursis probatoire, une obligation de travailler, une obligation de rembourser les sommes dues au fisc, et une amende de 5 000 euros. Les deux autres ont été condamnés à des peines de six et douze mois de prison avec sursis, assorties d’amendes pouvant aller jusqu’à 8 000 euros, ainsi que du remboursement des cotisations sociales à la MSA.
Cette affaire n’est pas anodine. Elle montre comment, derrière de fausses structures légales, des employeurs exploitent des personnes vulnérables sous couvert de prestation de service agricole.
Les condamnations ont été jugées suffisamment graves pour être affichées à la chambre d’agriculture de l’Aude et publiées sur le site du ministère du Travail.
Et en Champagne ? Une alerte à prendre très au sérieux
Ce qui s’est passé dans l’Aude n’est pas un cas isolé, mais un symptôme d’un modèle agricole et viticole basé sur la sous-traitance à bas coût. L’Intersyndicat CGT du Champagne alerte : ce modèle est déjà en train de se déployer dans notre région, sous des formes parfois identiques.
Dans un document diffusé le 18 avril 2025, la CGT Champagne décrit une précarisation systémique de la filière, orchestrée par le patronat local : externalisation des savoir-faire, recours massif à la prestation, contournement de la convention collective, et explosion de l’emploi invisible.
Un produit d’exception construit sur de la misère ?
Ce recours massif à des travailleurs précaires, parfois venus de très loin, sans logement décent, sans contrat digne de ce nom, aboutit à une perte de savoir-faire, une baisse de la qualité du travail, une mise en concurrence sauvage avec les salariés locaux formés en Champagne, et une remise en cause profonde du modèle social champenois.
Le document CGT parle de « traite d’êtres humains » dans certains cas, notamment pendant les vendanges. Des campements précaires à l’orée des vignes, des saisonniers hébergés sous tente ou logés à plusieurs centaines de kilomètres des sites, dans l’indifférence des autorités. Des conditions qui rappellent cruellement les abus révélés dans l’affaire de l’Aude.
Le Champagne ne peut pas devenir un Prosecco
Pour la CGT Champagne, le recours à la prestation ne peut plus être le cheval de Troie de la casse sociale. Ce modèle pousse la filière vers une “prossécoïsation” : un vin standardisé, industrialisé, précarisé, où l’humain disparaît derrière les exigences de rendement.
La lutte contre la sous-traitance sauvage, la défense des CDI, l’application d’une seule convention collective pour le vignoble, les maisons et les prestataires de services, la reconnaissance des savoir-faire, et un accueil digne des saisonniers sont les seuls chemins possibles pour préserver l’excellence du Champagne et la dignité de celles et ceux qui le fabriquent.
📄 Télécharger le document CGT :
➡️ Champagne de luxe, précarité de masse ? – 4 pages CGT Champagne, avril 2025
🔗 Lire l’article de France 3 Occitanie :
➡️ Aude : travail dissimulé dans les vignes, trois chefs d’entreprise condamnés