Congés payés et arrêts maladie : la justice européenne impose enfin à la France de respecter les droits des salariés. Une victoire à transformer en acquis durable par la mobilisation syndicale. © AI
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 22 septembre 2025
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C’est une victoire syndicale et juridique majeure : désormais, les jours d’arrêt maladie qui tombent pendant les congés payés ne seront plus perdus. La Cour de cassation a enfin mis le droit français en conformité avec les règles européennes. Une avancée pour tous les salariés, conquise après des années de mobilisation et de batailles juridiques, mais qui ouvre aussi de nouveaux débats sur les conditions de travail, la santé et le respect des droits fondamentaux
Les arrêts maladie ne sont plus des vacances volées
Jusqu’ici, le droit français restait profondément injuste. Lorsqu’un salarié tombait malade avant son départ en vacances, les jours d’arrêt pouvaient être décomptés à part et les congés reportés. Mais s’il tombait malade pendant ses congés, ces journées étaient perdues. Une véritable double peine : non seulement la santé du salarié était atteinte, mais il se voyait en plus privé de son droit au repos.
Par un arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation a mis fin à cette anomalie. Dorénavant, les jours de maladie survenus pendant une période de congés payés doivent être reportés et récupérés ultérieurement. Cette décision est applicable immédiatement, avec un effet rétroactif sur trois ans.
Pour la CGT, il s’agit d’une avancée essentielle, qui rappelle que les congés payés sont un droit social conquis par la lutte et destiné au repos, à la famille et aux loisirs, alors que les arrêts maladie relèvent de la protection de la santé. Confondre les deux revenait à nier le sens même de ces droits.
Une mise en conformité avec l’Europe… vingt ans trop tard
Ce changement ne résulte pas d’une illumination soudaine des juges, mais bien de l’application de la directive européenne sur le temps de travail de 2003. Depuis plus de vingt ans, la France traînait des pieds pour appliquer ces règles, malgré les alertes répétées des juristes, des syndicats et même des condamnations européennes.
Déjà, en septembre 2023, la Cour de cassation avait ouvert une brèche en reconnaissant que les salariés continuaient à acquérir des congés payés pendant leurs arrêts maladie (2,5 jours par mois). Cette jurisprudence avait contraint le législateur à inscrire cette règle dans le Code du travail en 2024.
Mais l’État français a refusé d’aller jusqu’au bout, en ne permettant pas le report des jours de congés non pris en cas de maladie. En juin 2025, la Commission européenne a même dû mettre la France en demeure et lancer une procédure d’infraction. C’est finalement la justice qui a imposé l’alignement, en rappelant que le droit européen est supérieur.
La réaction du patronat : panique et mauvaise foi
Sans surprise, les organisations patronales ont dénoncé cette décision, prétextant un risque de « désorganisation » dans la gestion des congés, voire une menace sur l’emploi et la compétitivité. Le MEDEF et d’autres fédérations patronales agitent déjà le spectre d’un coût supplémentaire pour les entreprises.
La CGT rappelle pourtant que le véritable enjeu est la santé des travailleurs. Un salarié malade n’est pas en vacances : il ne profite pas de son repos, il se soigne. Empêcher la récupération de ces jours revient à faire payer au salarié, sur sa santé, la rigidité d’une organisation du travail centrée sur la rentabilité à court terme.
L’argument budgétaire est fallacieux. Le coût des arrêts maladie ne découle pas de la reconnaissance des droits mais des conditions de travail dégradées, des cadences toujours plus lourdes, de la précarité, du sous-effectif chronique. Plutôt que d’attaquer les droits, il faudrait améliorer la prévention, réduire la pénibilité, renforcer la médecine du travail et investir dans la santé publique.
Une victoire syndicale, mais la vigilance reste de mise
La décision de la Cour de cassation est une victoire, mais elle n’est pas une fin en soi. Elle impose au gouvernement de modifier rapidement le Code du travail pour intégrer cette règle dans la loi, afin d’éviter de nouveaux contentieux. La CGT sera vigilante à ce que cette intégration ne soit pas l’occasion de reculs ou de contournements.
De plus, cette avancée ne doit pas masquer d’autres batailles en cours :
- garantir que tous les arrêts maladie, y compris ceux de longue durée, ouvrent droit à congés payés,
- renforcer le contrôle de l’application de ces règles dans les entreprises, car trop souvent les employeurs contournent ou méconnaissent les décisions de justice,
- lutter contre la stigmatisation des salariés malades, encore trop fréquente, et défendre leur dignité.
La CGT appelle donc les salariés à se saisir de cette décision, à faire valoir leurs droits, et à contacter leurs représentants syndicaux en cas de difficulté.
Une lutte qui s’inscrit dans l’histoire des conquis sociaux
Les congés payés ne sont pas un cadeau des employeurs. Ils sont le fruit de décennies de luttes, depuis 1936, lorsque le Front populaire arrachait les premiers 15 jours de congés, jusqu’aux 5 semaines actuelles. Chaque avancée a été obtenue contre les résistances patronales.
Le droit au repos, le droit à la santé et le droit à une vie digne restent au cœur des combats syndicaux. Cette victoire rappelle une fois de plus que rien n’est jamais acquis définitivement, et que seule la mobilisation collective permet de faire reculer les injustices.
🔗 Sources
- Alternatives Économiques – Les jours d’arrêt maladie qui tombent pendant les vacances pourront enfin être reportés (15/09/2025)
https://www.alternatives-economiques.fr/jours-darret-maladie-tombent-pendant-vacances-pourront-enfin-etre-reportes/ - Cour de cassation – Communiqué « Congé payé et arrêt maladie » (10/09/2025)
https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2025/09/10/communique-conge-paye-et-arret-maladie - CGT – Les arrêts maladie ne sont pas du repos (communiqué)
https://www.cgt.fr/comm-de-presse/les-arrets-maladie-ne-sont-pas-du-repos - CGT Transports – Maladie pendant les congés payés : une victoire majeure pour les salariés
https://cgttransports.fr/maladie-pendant-les-conges-payes-une-victoire-majeure-pour-les-salaries