Sous prétexte de réduire le « coût du travail », les gouvernements scient les piliers de notre protection sociale – retraites, santé, chômage – et fragilisent la Sécurité sociale, conquête ouvrière de 1945. © IA CGT champagne

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 24 octobre 2025

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Depuis plus de quarante ans, les gouvernements répètent la même vieille recette : baisser le « coût du travail » pour créer de l’emploi. Non seulement cette stratégie n’a pas tenu ses promesses, mais elle a surtout fragilisé la Sécurité sociale, alimenté les inégalités et placé l’État dans une impasse budgétaire et sociale. La CGT Champagne rappelle que c’est le coût du capital qui plombe notre économie et que seule une hausse des salaires et des cotisations sociales peut garantir l’avenir de la protection sociale.

D’où vient cette obsession ?

Depuis la fin des années 1970, les gouvernements ont multiplié les exonérations de cotisations patronales au nom de la compétitivité.

Cette logique, réclamée de longue date par le patronat, a pris une ampleur considérable : en 2025, ces allègements représentent plus de 80 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de quatre fois le budget de l’État consacré au travail et à l’emploi.

Concrètement, pour une personne au Smic, l’État paie jusqu’à 40 % du salaire brut à la place de l’employeur. C’est un transfert massif de richesses du travail vers le capital, qui fragilise directement le financement solidaire de la protection sociale.

La CGT dénonce depuis toujours cette logique : ce n’est pas le coût du travail qui est trop élevé, c’est le coût du capital – dividendes, intérêts et spéculations – qui asphyxie notre économie.

Ce que montrent les faits

De nombreuses évaluations économiques, dont celles de l’économiste Clément Carbonnier, confirment ce que la CGT dénonce : la baisse du coût du travail n’a pas créé d’emplois. Les exonérations de cotisations, le CICE ou les primes défiscalisées n’ont eu aucun effet positif sur l’emploi. Au contraire, elles ont affaibli le financement de la Sécurité sociale et creusé les inégalités. Les hauts cadres et dirigeants bénéficient de primes et de rémunérations variables, tandis que les ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs et cadres intermédiaires voient leurs salaires stagner.

La CGT souligne que cette stratégie n’est qu’un paravent : sous prétexte de compétitivité, on affaiblit volontairement le salaire socialisé et on justifie ensuite des réformes régressives (retraites, assurance chômage, hôpitaux).

La Sécurité sociale fragilisée

Les cotisations sociales ne sont pas des « charges » : elles sont du salaire socialisé, qui finance les retraites, la maladie, la famille, les accidents du travail et le chômage. Chaque exonération est un trou permanent dans les caisses de la Sécu. On a tenté de compenser via la CSG ou le budget de l’État, mais la compensation est partielle et instable. Ce sont les caisses maladie, vieillesse, famille et AT-MP qui en pâtissent : déficits chroniques de l’Assurance maladie, hôpitaux étranglés, régimes de retraite sous pression, branche famille affaiblie.

La Sécurité sociale joue pourtant un rôle d’amortisseur de crise. En 2008-2009, malgré la destruction de centaines de milliers d’emplois, elle a continué à rembourser les soins, verser les retraites et soutenir les familles. Pendant la pandémie de Covid-19, elle a de nouveau tenu bon : prise en charge des soins, maintien des pensions et des allocations. Sans elle, la pauvreté aurait explosé. La CGT insiste : la Sécu est notre bouclier collectif, et non une variable d’ajustement.

Un dispositif inégalitaire

Qui gagne, qui perd ?

  • Gagnants : les grandes entreprises qui voient leur rentabilité renforcée, les hauts cadres et dirigeants qui bénéficient de primes et de rémunérations variables, et les actionnaires.
  • Perdants : les ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs et cadres intermédiaires dont les salaires stagnent, les non-salariés précarisés, et surtout l’ensemble des assurés sociaux qui voient leurs droits amputés.

La CGT le répète : les exonérations ne servent pas à l’emploi mais à gonfler les dividendes et les rémunérations des plus hauts revenus.

L’État piégé par sa propre logique

En finançant une part croissante des bas salaires à la place des employeurs, l’État s’est piégé.

Chaque hausse du Smic lui coûte désormais plus cher. Résultat : les gouvernements bloquent les salaires et multiplient les primes défiscalisées comme la « prime Macron ». Or ces primes ne génèrent aucun droit à la retraite ni à l’assurance chômage.

La CGT exige le contraire : du salaire avec cotisations, et non des primes sans droits.

Les alternatives de la CGT

La CGT revendique :

  • La hausse générale des salaires et du Smic, avec négociation de branche obligatoire.
  • La fin des exonérations de cotisations patronales et le retour au financement solidaire.
  • Le renforcement des hôpitaux, de la médecine du travail, de la prévention et de l’éducation, piliers de la protection sociale.
  • La réduction de la pénibilité et l’amélioration des conditions de travail, pour protéger la santé et augmenter la productivité.
  • Une transition écologique socialement juste, financée par le redéploiement des sommes gaspillées en exonérations.

C’est en augmentant les salaires et en consolidant les cotisations que nous pourrons améliorer la protection sociale et stimuler réellement l’activité économique.

En Champagne, un enjeu concret

Dans notre filière, l’obsession patronale de réduire le « coût du travail » se traduit directement dans les NAO paritaires à l’Union des Maisons de Champagne (UMC) :

  • Les employeurs cherchent à minorer systématiquement les augmentations de salaires, en proposant des revalorisations bien en-deçà de l’inflation.
  • Les négociations paritaires sont instrumentalisées pour bloquer les hausses collectives, en opposant des dispositifs ponctuels aux revendications syndicales.
  • Les salariés voient ainsi leur pouvoir d’achat s’éroder, alors même que la filière Champagne affiche des résultats commerciaux et financiers solides.
  • Cette politique salariale patronale traduit une volonté de préserver les marges et les dividendes, au détriment des travailleurs qui créent la richesse.

La CGT Champagne affirme qu’il est temps d’inverser cette logique : les salaires doivent être augmentés dans le cadre de négociations de branche transparentes et contraignantes.

Les primes ponctuelles mises en avant par le patronat ne remplacent pas une vraie hausse de salaire : elles n’ouvrent aucun droit supplémentaire et n’alimentent pas les caisses de la Sécurité sociale. C’est en renforçant à la fois les salaires directs et le salaire socialisé que nous pourrons assurer un avenir socialement juste à la filière.

1945-2025 – De Croizat à aujourd’hui, la Sécurité sociale reste notre bien commun. Les conquêtes sociales ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas. 

La Sécurité sociale, 80 ans après : un bien commun à défendre

Cette bataille prend d’autant plus de sens que nous célébrons cette année les 80 ans de la Sécurité sociale. Née en 1945 de l’élan du Conseil national de la Résistance et portée par Ambroise Croizat, la Sécu est la plus grande conquête ouvrière du XXe siècle. Elle repose sur une idée révolutionnaire : financer la protection de tous par les cotisations sociales, c’est-à-dire par la richesse créée par le travail.

Depuis quarante ans, elle est méthodiquement affaiblie par les exonérations patronales et les politiques d’austérité. Mais la CGT rappelle que la Sécu n’est pas une charge, ni une aumône : c’est notre salaire socialisé, notre bien commun.

À l’occasion de cet anniversaire, la CGT exige :

  • La fin des exonérations patronales et le retour au financement par la cotisation.
  • Le renforcement des droits et de l’accès effectif : soins, retraites, AT-MP, chômage.
  • Des moyens massifs pour les hôpitaux, la médecine du travail et les services publics.

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