Dans le vignoble champenois, les profits des actionnaires grossissent tandis que les ouvriers s’épuisent et que les vignes dépérissent. © IA champagne

✍️Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 21 novembre 2025

⏱️Temps de lecture 4minutes

Depuis plus de trente ans, le vignoble champenois subit une transformation profonde. Derrière les discours sur l’innovation et la performance, la réalité est tout autre : logiques financières à court terme, mécanisation croissante, destruction des savoir-faire et mépris du personnel. Aujourd’hui, l’Intersyndicat CGT des salariés du Champagne alerte : c’est l’avenir même de la Champagne viticole qui est en danger.

À lire dans notre 4 pages spécial « LE VIGNOBLE S’ÉTEINT EN SILENCE », à télécharger (disponible en bas de cet article) et à diffuser largement : une analyse complète de la situation, des constats précis et des propositions pour défendre notre vignoble et nos emplois.

La mainmise de la finance sur le Champagne

Le paysage champenois, autrefois marqué par de grandes dynasties familiales, a été méthodiquement avalé par les logiques libérales et les grands groupes internationaux. Les marques passent désormais de main en main comme de simples pions sur l’échiquier de la finance mondialisée. Les capitaines d’industrie enracinés dans leur région ont laissé place aux gestionnaires de portefeuilles et aux fonds de pension.

Ce ne sont plus des bâtisseurs visionnaires qui dirigent les maisons, mais des financiers obsédés par la rentabilité immédiate. Les fusions, rachats et reventes s’enchaînent avec un seul objectif : extraire toujours plus de valeur, sans considération pour l’histoire, les salariés ni l’ancrage territorial. Le Champagne est réduit à un effervescent comme un autre, vidé de sa mémoire ouvrière.

Rationalisation et réduction des coûts

Au nom de l’innovation, les directions imposent des méthodes agricoles qui visent avant tout à économiser du temps et de l’argent. La taille Guyot et les vignes semi-larges ont été introduites dans le cahier des charges de l’AOC avec l’appui du CIVC. Ces choix permettent de réduire les coûts d’exploitation jusqu’à 50 % mais au prix d’une dégradation de la qualité, d’une perte d’emplois qualifiés et d’un recours massif à la sous-traitance.

La densité de pieds à l’hectare diminue, l’ébourgeonnage disparaît, le relevage mécanique s’impose, et bientôt l’intelligence artificielle prendra le relais. Déqualification, précarisation et perte de savoir-faire sont les conséquences directes de cette fuite en avant.

Travail du sol et communication de façade

La promesse d’un vignoble « zéro désherbant » a été décidée à la hâte, sous la pression médiatique du procès Monsanto. Mais derrière l’effet d’annonce, la réalité est tout autre : des printemps pluvieux mal gérés, un manque de matériel et de personnel, et une organisation défaillante. Là encore, le poids retombe sur les ouvriers du vignoble, sommés de faire toujours plus avec moins.

La faillite des directions

L’état actuel du vignoble révèle une faillite profonde des directions, prisonnières de logiques financières à court terme. Planter une vigne, c’est s’engager pour cinquante ans. Mais nos dirigeants recrutent des managers interchangeables, sans lien avec la viticulture, comme s’il s’agissait de gérer un supermarché.

Cette incompréhension de la spécificité champenoise entraîne un paradoxe destructeur : tout en prétendant valoriser la biodiversité, les maisons réduisent leur appareil productif. La production chute, les coûts du raisin explosent, et pour compenser, les directions cherchent à réduire encore davantage les coûts à l’hectare. Résultat : un cercle vicieux qui fragilise toujours plus la vigne et les salariés.

Des directions inféodées au CIVC

Les choix stratégiques ne viennent plus des maisons elles-mêmes, mais du CIVC, véritable bras armé des grands groupes cotés en bourse. Taille Guyot, vignes semi-larges, méthodes de travail du sol : les décisions s’imposent sans tenir compte de la réalité du terrain. Les ouvriers vignerons, eux, ne sont plus entendus. Leur parole est ignorée, quand elle n’est pas instrumentalisée pour donner une illusion de dialogue.

 Un retour forcé aux fondamentaux

La crise actuelle du Champagne agit comme un électrochoc : baisse de la demande, stocks pleins, tensions sur les marchés. Les directions redécouvrent soudain la nécessité des « méthodes traditionnelles », de la qualité et du savoir-faire. Mais ce virage n’est pas le fruit d’une conviction, c’est une contrainte. Les rendements chutent, la qualité s’effondre, les vignes et le personnel souffrent.

Pendant des années, les alertes des salariés ont été ignorées. Aujourd’hui, les maisons paient le prix de leur aveuglement : des années perdues à suivre une mauvaise route faite de rendement à tout prix, d’engrais verts mal maîtrisés, de plantations semi-larges et de formation délaissée.

Les ouvriers vignerons sacrifiés

Au cœur de ce désastre, ce sont les ouvriers vignerons qui paient le prix fort. Chaque innovation dictée par la finance se traduit par moins d’emplois, davantage de précarité et une perte irréversible de savoir-faire. Les anciens partent sans transmettre leur expérience, épuisés par des rythmes de travail intensifiés depuis trente ans. La mémoire technique disparaît, et avec elle l’avenir même de la Champagne viticole.

Les salariés ne sont pas une variable d’ajustement. Ils sont le cœur battant du vignoble, la condition de son avenir et de celui de toute la filière. Sans respect des ouvriers, sans transmission, sans emploi stable et qualifié, il n’y aura plus de Champagne digne de ce nom.

👉 Téléchargez, lisez et diffusez massivement notre 4 pages spécial. C’est en vous l’appropriant collectivement que nous pourrons sauver notre vignoble et construire ensemble un avenir digne pour les ouvriers du Champagne.

Sources : Intersyndicat CGT des salariés du Champagne, 4 pages « Le vignoble s’éteint en silence », 30 septembre 2025.