Pendant que les grandes entreprises touchent 211 milliards d’euros d’aides publiques, des milliers de salariés sont licenciés sans aucune condition de maintien de l’emploi. Un assistanat d’État qui enrichit les riches et précarise les travailleurs. © Public Sénat

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 11 juillet 2025

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Alors que l’on culpabilise les plus précaires pour quelques centaines d’euros d’aides sociales, un rapport sénatorial dévoile l’ampleur colossale des aides publiques versées aux grandes entreprises : 211 milliards d’euros en 2023. Dans le même temps, les plus grandes fortunes du pays atteignent des sommets inégalés. Un constat accablant, qui confirme l’inversion totale des priorités sociales et économiques.

Un enrichissement sans précédent pour une poignée

Les riches n’ont jamais été aussi riches dans notre pays. En 2024, les 500 plus grandes fortunes françaises représentent 44 % de la richesse nationale. En 2017, c’était 20 %, et en 1996 seulement 6 %. En moins de trente ans, la concentration des richesses a été multipliée par sept.

Dans le même temps, les travailleurs n’en peuvent plus. Beaucoup expliquent qu’ils travaillent dur sans s’en sortir, pendant que les revenus du capital restent bien moins taxés que ceux du travail. Le système fiscal favorise les actionnaires, pas les salariés.

Une propagande bien rodée pour masquer les vrais profiteurs

Pour détourner les colères, les plus riches ont fabriqué un récit commode : les problèmes ne viendraient pas de l’évasion fiscale, des milliards d’aides publiques ou des inégalités, mais des étrangers ou des pauvres.

Et pourtant, les faits sont têtus. Les aides publiques versées aux plus démunis s’élèvent à 400 millions d’euros par an. Celles versées aux entreprises atteignent 211 milliards d’euros. Aujourd’hui il n’y a qu’un seul assistanat, c’est celui des riches

Licenciements malgré les aides : un double scandale

Alors même que les grandes entreprises bénéficient de centaines de milliards d’euros d’aides publiques, elles continuent de mener des plans massifs de suppressions d’emplois. Cet argent censé garantir la pérennité des emplois sert en réalité à maintenir les profits, tout en laissant des milliers de salariés sur le carreau. Le rapport sénatorial dénonce cette absence de conditionnalité stricte : les aides sont versées sans exigence réelle de maintien de l’emploi, ce qui permet à certaines entreprises de licencier, délocaliser ou réduire les coûts sociaux, tout en profitant des largesses de l’État. Ce double jeu accentue la précarité des travailleurs, et creuse encore davantage les inégalités sociales.

Le rapport sénatorial qui confirme l’ampleur du scandale

Le 8 juillet 2025, un rapport explosif de la commission d’enquête sénatoriale a été rendu public. Il fait le point sur l’ensemble des aides publiques aux entreprises : subventions, exonérations fiscales, baisses de cotisations, crédits d’impôt… En 2023, 211 milliards d’euros ont été versés à travers 2 252 dispositifs différents. Ce chiffre fait de ces aides le premier poste de dépense de l’État.

Dans un article publié le même jour dans L’Humanité, Pierric Marissal cite l’économiste Maxime Combes, qui rappelle que ces aides ont augmenté quatre à cinq fois plus vite que les prestations sociales ou le PIB depuis vingt-cinq ans.

Et pendant ce temps, l’État cherche 40 milliards… sur le dos des retraités

Ce rapport intervient alors même que le gouvernement cherche à faire 40 milliards d’économies pour boucler son budget 2026. Mais plutôt que de revoir à la baisse ces aides massives versées sans conditions, il envisage de geler les pensions de retraite, évoquant une « année blanche ». Autrement dit : les retraités devront se serrer la ceinture pendant que les multinationales perçoivent des aides publiques, sans obligation ni transparence.

Un vote à l’unanimité… même dans un Sénat à droite

Ce qui donne encore plus de poids au rapport, c’est qu’il a été voté à l’unanimité par la commission d’enquête. Comme le rappelle Cyrielle Blaire dans La Vie Ouvrière et Politis (« Ces “cadeaux” aux grandes entreprises sans aucun contrôle », 9 juillet 2025), même les sénateurs Les Républicains, pourtant majoritaires au Sénat, ont validé l’ensemble des constats et des propositions.

« Jamais je n’aurais cru possible d’obtenir que de telles propositions soient votées à l’unanimité dans une commission à majorité de droite sénatoriale. C’est un bond phénoménal dans la bataille des idées », déclare Fabien Gay, rapporteur du rapport et sénateur communiste.

Même le président LR de la commission, Olivier Rietmann, admet la gravité de la situation :
« Il est difficile de venir réclamer de l’argent si on n’a pas posé de conditions au départ. »

Des dividendes à gogo, sur fonds publics

Un des points les plus révoltants du rapport : les entreprises peuvent percevoir des millions d’euros d’aides publiques… tout en reversant massivement des dividendes à leurs actionnaires.

C’est le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, qui a lui-même soulevé l’hypocrisie : « Je crois au capitalisme, à son éthique. Il faut être cohérent : je ne peux pas percevoir de l’argent public que je redistribue ensuite en dividendes. »

La commission recommande donc de soustraire les aides publiques du résultat distribuable d’une entreprise. Concrètement : si une entreprise reçoit 10 millions d’euros d’aides, elle ne peut pas les intégrer dans la base de calcul des dividendes.

Des sanctions claires pour les entreprises fautives

Autre point fort du rapport : la mise en place de sanctions concrètes, enfin.

Parmi les recommandations adoptées :

  • Interdiction de percevoir des aides pendant deux ans pour les entreprises condamnées pour fraude fiscale, travail dissimulé ou toute infraction grave ;
  • Remboursement intégral des aides en cas de délocalisation dans les deux années suivant leur versement ;
  • Conditionnalité renforcée : chaque nouvelle aide devrait être liée à des objectifs d’emploi, d’investissement ou de transition écologique, avec évaluation à la clé.

C’est ce qu’a exigé la CGT, auditionnée dans le cadre de la commission. Fabienne Rouchy, secrétaire confédérale, a salué des avancées réelles tout en appelant à aller plus loin :
« Les mesures ne vont pas assez loin, mais ce sont pour nous des points d’appui. »

Un changement de cap est possible — si on s’en donne les moyens

Ce rapport est un outil puissant dans la bataille idéologique, un levier pour revendiquer une toute autre utilisation de l’argent public. Il prouve que les milliards existent, mais qu’ils sont captés par ceux qui en ont le moins besoin.

Il appartient maintenant aux organisations syndicales, aux citoyennes et citoyens, de s’en saisir. Pour défendre les pensions, les services publics, les salaires, il faudra imposer un autre usage de l’argent public, transparent, conditionné, évalué.

La CGT Champagne appelle à diffuser massivement ces constats, à les faire vivre dans les CSE, les NAO, les mobilisations à venir. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement de l’argent. C’est une question de justice.

Sources :