En Champagne, les bulles montent toujours dans les flûtes… mais depuis quelques années les salaires redescendent vers le fond des coupes. Pendant que les grandes familles sabrent leurs dividendes, les travailleurs, eux, voient leurs paies stagner bien en dessous de l’inflation. © Archive l’Union

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 17 juillet 2025

⏱️Temps de lecture 3 minutes

Pendant que les ouvriers du champagne négocient des miettes à 1,1 %, les grandes familles du secteur sabrent les milliards. Challenges publie le classement des plus grosses fortunes françaises : les barons du bouchon y brillent en haut du podium, tandis que les salariés trinquent à la Smicardisation. Voici le grand cru 2025 de l’injustice sociale, millésime Champagne.

Les familles champenoises sont à la fête.

Le classement Challenges 2025 des 500 plus grandes fortunes françaises l’atteste : le champagne coule à flots au sommet du patrimoine national. Roederer, Bollinger, Moët & Chandon, Laurent-Perrier, Vranken, Charles Heidsieck ou encore Duval-Leroy : derrière chaque grande maison de champagne, un nom qui pèse lourd – très lourd – en millions, voire en milliards d’euros. À elles seules, ces dynasties représentent plusieurs dizaines de milliards de fortune cumulée, souvent transmises de génération en génération, avec pour seul mérite apparent d’avoir embauché les bonnes équipes au bon moment pour presser les bonnes cuvées.

Mais pendant que l’aristocratie des bulles se pavane en haut du classement, en bas de la pyramide, c’est la soupe à la grimace.

📊 Tableau des fortunes des familles champenoises (Challenges 2025)

Famille / Maison

Fortune estimée (En Millions €)

Arnault (LVMH – Moët, Krug…)

116 700

A. de Rothschild (Barons de Rothschild)

5 300

Hennessy / Moët & Chandon

4 250

Ricard (Mumm, Perrier-Jouët)

3 350

Hériard-Dubreuil (Hamm & Fils)

1 700

Descours (Charles & Piper Heidsieck)

1 600

Rouzaud (Roederer, Deutz)

850

Frey (Billecart‑Salmon)

700

Bollinger (Bollinger & Ayala)

395

Duval‑Leroy (Duval‑Leroy)

390

de Nonancourt (Laurent‑Perrier & autres)

370

Cointreau (Gosset)

310

Vranken (Pommery, Heidsieck…)

310

Thiénot (Canard‑Duchêne…)

290

Pol Roger / de Billy (Pol Roger)

260

1,1 % d’augmentation : un grand cru de mépris patronal

En mars 2025, l’Union des Maisons de Champagne (UMC) – où siègent les représentants de ces grandes fortunes – a proposé, lors des NAO paritaires, une recommandation patronale de +1,1 % sur les salaires. Soit nettement en dessous de l’inflation constatée par l’INSEE en 2024 (1,8 %), et encore plus en deçà de la revalorisation automatique du SMIC, qui s’est élevée à 3,13 % en 2024, le tout pour un coefficient 120 d’entré de grille à 11,84 € alors que le salaire horaire au SMIC est de 11,88 €.

Autrement dit : les salaires réels reculent. Encore….

Et ce, malgré 3 années aux chiffres d’affaires records :

  • 2022 : 6,3 milliards d’euros
  • 2023 : 6,4 milliards d’euros
  • 2024 : 5,8 milliards d’euros

Qu’importe, les mêmes patrons qui figurent dans le classement des plus grosses fortunes de France – parfois pour plusieurs générations consécutives – estiment donc, d’une seule voix bien huilée, que les ouvriers du champagne méritent moins que l’inflation.

Des bulles de luxe, des vies au rabais

Pour les salariés du champagne, la musique est connue. Les hausses de salaire s’évaporent, les conditions de travail se durcissent, la précarisation s’intensifie. La « smicardisation » des grilles, dans une branche pourtant adossée à un produit de luxe exporté dans le monde entier, est devenue la norme.

À l’autre bout de la table, les propriétaires des maisons, eux, ne connaissent pas la crise. Le Roederer des Rouzaud, les Pommery des Vranken, le Charles Heidsieck des Descours, le Pol Roger des de Billy… Tous voient leur nom gravé au panthéon des plus grandes fortunes de France, pendant que certains employés de leurs groupes, toutes ces petites mains dans la précarité, doivent parfois enchaîner les CDD, les horaires coupés, et les paies à peine au-dessus du SMIC lorsque qu’ils sont embauché au Coefficient 120.

Entre grandes maisons et petits-fours, les NAO se boivent tièdes

Dans les salons feutrés des commissions sociales de l’UMC, on ne parle jamais de dividendes, encore moins de marges. Non. On parle de « prudence économique », de « conjoncture difficile », de « compétitivité ». On recommande 1,1 % – c’est précis, c’est rigoureux, c’est presque scientifique. Pas une goutte de plus. Les travailleurs du champagne, eux, pourront toujours trinquer à leur santé avec des primeurs bas de gamme, pendant que les patrons font sabrer du millésimé pour tremper leurs biscuits roses.

Le grand écart social version méthode champenoise

Il y a donc, en 2025, deux Champagne :

– celui des familles Arnault (Moët), Rothschild (Barons), Ricard (Mumm), Thiénot (Canard-Duchêne), et consorts, toutes classées parmi les plus grandes fortunes du pays ;

– et celui des salariés, des saisonniers, des vendangeurs, des caristes, des cavistes, ceux sans qui aucune bouteille ne sortirait des caves.

Mais ces derniers ne figurent dans aucun palmarès. Ils n’ont ni château ni holding. Ils n’ont, en revanche, ni revalorisation digne de ce nom, ni reconnaissance, sinon celle de savoir qu’ils enrichissent un peu plus, chaque jour, les mêmes familles qui refusent de leur verser ne serait-ce que l’inflation.

À quand une revalorisation des salaires au niveau des dividendes ?

 

Source :

Les fortunes du champagne dans le classement Challenges 2025,La Champagne de Sophie Claeys (11 juillet 2025)

👉 https://lachampagnedesophieclaeys.fr/les-fortunes-du-champagne-dans-le-classement-challenges-2025