Bernard Arnault auditionné par la commission sénatoriale sur les aides publiques, 21 mai 2025. Derrière le vernis du luxe, 1 200 suppressions d’emplois dans le champagne et le cognac. © Firas Abdullah / ABACA

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 26 mai 2025

⏱️Temps de lecture 5 minutes

Alors que Bernard Arnault était auditionné par la commission sénatoriale sur les aides publiques, le PDG de LVMH s’est illustré par son arrogance et ses dénégations face à une réalité accablante : la suppression de 1 200 postes dans les maisons de Champagne et de Cognac. Deux enquêtes, publiées par Mediapart et L’Humanité, lèvent le voile sur le double langage d’un groupe gavé d’argent public, qui taille dans l’emploi pour maintenir ses profits. À lire et à faire lire.

Un grand patron sur la défensive devant la commission sénatoriale

Mercredi 21 mai 2025, Bernard Arnault comparaissait devant la commission d’enquête sénatoriale chargée d’examiner l’usage des aides publiques par les grandes entreprises. Plutôt que de répondre calmement aux questions des sénateurs, le patron du groupe LVMH a choisi l’attaque : visant en particulier Fabien Gay, rapporteur communiste de la commission et directeur de L’Humanité, il l’a accusé d’avoir « menti » dans les colonnes de son journal à propos de suppressions de postes dans le groupe.

Dans L’Humanité, Pierric Marissal revient sur cet échange tendu dans un article intitulé « Face au piège de la commission d’enquête » (21 mai 2025). Bernard Arnault s’est insurgé contre la une du journal révélant que LVMH s’apprête à supprimer 1 200 postes dans sa branche vins et spiritueux. Le milliardaire s’est défendu en niant toute casse sociale et en évoquant une simple adaptation conjoncturelle liée à d’éventuelles taxes américaines et chinoises sur les alcools. Une ligne de défense que les faits contredisent.

Des faits incontestables : 1 200 postes supprimés chez Moët Hennessy

Dans un article d’enquête publié par Mediapart le 22 mai 2025 sous le titre « Contrairement à ce qu’affirme Bernard Arnault, LVMH supprime bien des emplois », la journaliste Khedidja Zerouali confirme que LVMH va bel et bien se séparer de 1 200 salariés dans sa division vins et spiritueux, soit 12 % de ses effectifs mondiaux. Et ce n’est pas une perspective lointaine : selon les dirigeants, cette réduction s’effectuera sur trois ans, avec un retour à la masse salariale de 2019.

L’annonce a été faite de manière brutale et méprisante : par vidéo, en anglais, le 30 avril à 11h08 — à la veille du 1er Mai — par Alexandre Arnault (directeur délégué de Moët Hennessy) et Jean-Jacques Guiony (PDG de Moët Hennessy). L’annonce est claire : les effectifs passeront de 9 400 à 8 200 personnes. Les salariés ont été pris de court, sans aucune consultation préalable. Une méthode brutale que la direction reconnaît à demi-mot, promettant de « faire mieux la prochaine fois ».

Des aides publiques massives pour… licencier sans bruit

Comme le souligne L’Humanité, LVMH a perçu en 2023 plus de 250 millions d’euros d’aides publiques : 64,5 millions d’euros de crédits d’impôt et 193 millions d’exonérations de cotisations sociales. Des aides destinées, en théorie, à soutenir l’emploi et la compétitivité.

Mais dans le même temps, le groupe a versé 52 % de ses bénéfices à ses actionnaires, racheté des actions, et lancé plusieurs plans de suppressions d’emplois silencieux dans différentes entités : 80 départs volontaires chez Moët Hennessy Distribution (MHD), 40 salariés poussés vers la sortie au Parisien, 80 à 100 départs programmés chez Givenchy via une rupture conventionnelle collective. Toujours le même schéma : réduire les effectifs sans en assumer les conséquences sociales.

Un empire mondialisé, déconnecté des réalités sociales françaises

Dans sa défense, Bernard Arnault tente de se draper dans le drapeau tricolore, affirmant que LVMH est le groupe « le plus patriotique » de France. Mais les chiffres racontent une autre histoire : seulement 18 % des salariés du groupe sont aujourd’hui basés en France. Et le marché national ne représente que 8 % du chiffre d’affaires total du groupe. Autant dire que les considérations sociales et territoriales n’entrent plus dans les calculs de la direction.

Lorsqu’on lui demande si une amélioration du contexte international pourrait le faire revenir sur les suppressions d’emplois annoncées, Jean-Jacques Guiony répond mollement : « Peut-être ». Et ajoute qu’au fond, il s’agit aussi d’un choix structurel : le groupe serait surdimensionné. C’est donc bien une stratégie de rentabilité, pas une réponse à une crise.

La CGT monte au créneau pour dénoncer cette politique sociale scandaleuse

Face à cette politique brutale, la CGT Champagne ne baisse pas les bras. Dans Mediapart, un communiqué syndical dénonce un choix politique clair : préserver la rentabilité du groupe, quitte à sacrifier des centaines d’emplois. « Aucun prélèvement n’est envisagé sur la fortune colossale de Bernard Arnault, ni sur les marges des autres divisions du groupe », rappelle la CGT.

Philippe Cothenet, délégué CGT chez Moët et secrétaire général adjoint de l’Intersyndicat CGT du Champagne, annonce que la CGT va déclencher un droit d’alerte économique et social dans chaque entreprise concernée, faute d’un CSE de branche. Le combat s’engage, au plus près du terrain, pour défendre les salariés contre un management déconnecté, obsédé par les cours de Bourse et les dividendes.

Une leçon de politique patronale : LVMH joue contre l’emploi, avec l’argent public

Ce que révèlent ces deux enquêtes, c’est la mécanique bien huilée d’un capitalisme de rente : capter l’argent public, licencier sans bruit, verser toujours plus aux actionnaires, et nier toute responsabilité sociale. LVMH n’est pas une exception : c’est un modèle. Un modèle que la CGT combat au quotidien, en Champagne comme ailleurs.

📎 Sources à consulter :

Bernard Arnault face aux vérités qui dérangent

Une vidéo à voir (ci-dessous), à faire tourner, et à partager partout.

Quand les puissants sont convoqués pour rendre des comptes, le vernis craque. Et quand un milliardaire se permet d’accuser un journal de « fake news », c’est bien souvent que la vérité dérange. Dans cette vidéo de L’Humanité, suivez la confrontation tendue entre Bernard Arnault, PDG de LVMH, et la commission d’enquête parlementaire sur les aides publiques aux grandes entreprises. Une audition à ne pas manquer, qui expose crûment l’hypocrisie d’un système à bout de souffle.

L’Humanité sous le feu du milliardaire : quand la presse dérange, le patron du luxe contre-attaque.

Auditionné le 22 mai au Sénat, Bernard Arnault s’en prend violemment au journal L’Humanité, qui avait osé titrer que « le luxe sabre l’emploi » après l’annonce par LVMH de la suppression de 1 200 postes dans ses branches Champagne (Moët & Chandon) et Cognac (Hennessy). Pourtant, les faits sont là : les suppressions sont bien réelles, les profits du groupe sont au plus haut, et la communication interne a annoncé ces coupes dans une vidéo envoyée aux salariés… la veille du 1er mai.

Mais le fond du dossier va bien au-delà. Cette commission d’enquête met en lumière un système opaque où l’argent public coule à flots :

  • Jusqu’à 225 milliards d’euros d’aides publiques versés chaque année, sans contrôle démocratique réel.

  • Une politique de détaxation qui profite avant tout aux ultra-riches : 20 à 25 % du chiffre d’affaires de LVMH France repose sur la détaxe aux touristes.

  • Des montages fiscaux à répétition : paradis fiscaux, optimisation, holdings douteuses, yacht sous pavillon des îles Caïmans… tout y passe.

  • Et au passage, des leçons de « patriotisme économique » de la part de ceux qui ont tout organisé pour échapper à l’impôt.

L’attaque contre L’Humanité n’est qu’une diversion. Car ce que redoutent Arnault et les siens, ce sont les véritables questions : combien d’argent public ? Pour quoi faire ? Et pourquoi des licenciements, quand les bénéfices explosent ?

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Parce que l’argent qui manque à nos services publics, à nos salaires, à notre avenir… il est là.