23 juin 2025 – Dernier jour du conclave des retraites à Paris. Les syndicats CFDT, CFE-CGC et CFTC actent l’abandon de l’âge légal à 62 ans, tournant le dos à l’unité syndicale portée par les mobilisations de 2023. © archives AFP
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 23 juin 2025
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Le conclave des retraites, initié par Emmanuel Macron et confié à François Bayrou, s’achève ce 23 juin 2025, après quatre mois de réunions intensives entre syndicats et patronat. Annoncé comme un espace de dialogue « sans totem ni tabou », il a rapidement montré ses limites : l’âge légal à 64 ans n’a jamais été remis en question, et le cadre a été strictement borné dès la mi-mars, lorsque Bayrou a fermé la porte à tout retour aux 62 ans.
Force Ouvrière a quitté les discussions dès le premier jour, dénonçant une mascarade. La CGT l’a rejointe en mars, estimant que les dés étaient pipés. En choisissant de maintenir le cap de la réforme de 2023, le gouvernement a figé la discussion dans un périmètre technique, écartant tout débat de fond.
Syndicats restés, revendications abandonnées
CFDT, CFE-CGC et CFTC ont quant à eux poursuivi les négociations. Pour cela, ils ont dû abandonner la revendication d’abrogation des 64 ans, rompant ainsi avec l’unité syndicale historique portée en 2023 par l’ensemble des organisations. Leur maintien à la table des négociations a donné au pouvoir l’image d’un dialogue social « actif », mais en réalité, le cœur des revendications était exclu du débat.
Une méthode saluée pour masquer un cadre verrouillé
Pour contenir les critiques, François Bayrou a désigné Jean-Jacques Marette, ancien directeur de l’Agirc-Arrco, comme « tiers de confiance ». Son rôle de médiateur, reconnu pour sa neutralité, a permis un déroulé plus fluide des réunions et une meilleure structuration des échanges. Mais malgré cela, les lignes rouges fixées par l’exécutif n’ont jamais été franchies.
La version finale du relevé de conclusions devrait contenir :
un abaissement léger de l’âge d’annulation de la décote (de 67 à 66,5 ans) ;
une amélioration ciblée du compte pénibilité ;
et des propositions sur les carrières hachées ou les inégalités femmes-hommes.
Ces éléments, bien que porteurs de quelques avancées techniques, ne répondent pas à l’exigence d’un changement de cap, ni à la volonté d’un débat démocratique sur l’avenir du système.
Retour sur la réforme imposée en 2023
La réforme des retraites de 2023, imposée par le gouvernement via l’article 49.3, a relevé l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, déclenchant une mobilisation historique. Des millions de salarié·es ont manifesté pendant des mois dans tout le pays. Cette réforme est intervenue sans majorité parlementaire claire, sans vote final à l’Assemblée nationale, et contre l’avis de l’écrasante majorité des organisations syndicales. Mais surtout, plus de 70 % des Français y sont toujours opposés, comme l’ont montré tous les sondages réalisés récemment. Elle a été perçue comme un passage en force antidémocratique, marquant une rupture profonde avec les principes du dialogue social et un mépris manifeste de la volonté populaire.
Une autre réforme est possible
La CGT continue de défendre une autre vision de la retraite : un départ à 60 ans à taux plein, la reconnaissance effective de la pénibilité, une prise en compte des années d’études et des périodes de précarité, et un système de financement basé sur une meilleure répartition des richesses. Il est possible de dégager de nouvelles ressources en augmentant les cotisations sur les hauts salaires, en luttant contre l’évasion sociale, et en mettant fin aux exonérations massives dont bénéficient les grandes entreprises. Nous affirmons qu’un autre modèle est non seulement souhaitable, mais viable et urgent.
Un enjeu de société majeur
Au-delà des chiffres et des décotes, le débat sur les retraites touche à un enjeu fondamental : celui de la justice sociale et du sens du travail. Il interroge sur la place accordée aux travailleurs âgés dans l’entreprise, la reconnaissance des carrières longues, des métiers usants, des parcours discontinus. Il démontre clairement les inégalités de genre, les écarts entre ouvriers et cadres, entre secteurs protégés et précaires. En refusant d’ouvrir ce débat de fond, le conclave a montré ses limites. C’est tout un projet de société qui reste à bâtir.
Plus qu’un bilan : un avertissement
À l’heure où ce conclave s’achève, l’issue finale – accord ou non – ne changera rien au constat de fond : le cadre était verrouillé, l’âge de départ à 64 ans sanctuarisé, et la discussion vidée de toute ambition de rupture. Si aucun accord n’est signé, cela confirmera l’impasse d’un dialogue sans ouverture réelle. Et si un accord venait à être validé, il acterait l’abandon de l’exigence d’abrogation, au mépris des engagements collectifs portés par les mobilisations de 2023. Dans les deux cas, le pouvoir se sera servi de ce conclave pour neutraliser le débat, sans jamais rouvrir ce que le monde du travail exigeait : une réforme juste, solidaire et démocratique. La CGT, elle, reste fidèle à ce cap.