Hémicycle de l’Assemblée nationale pendant une séance budgétaire — les décisions sur les finances publiques engagent l’avenir de notre modèle social. © IA CGT champagne

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 05 novembre 2025

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Alors que le gouvernement Lecornu 2 justifie une nouvelle cure d’austérité au nom du déficit public, la question centrale reste celle des recettes. Dans un entretien à Alternatives Économiques, Pierre-Louis Bras, ancien directeur de la Sécurité sociale, reconnaît qu’une hausse des prélèvements est inévitable. Mais de quels prélèvements parle-t-on ? Pour la CGT, la priorité n’est pas d’alourdir la facture des salariés ou des retraités, mais de rétablir la justice fiscale et sociale en faisant contribuer le capital, les grandes fortunes et les multinationales.

Les mêmes recettes pour les mêmes effets

Le gouvernement prétend « maîtriser la dépense publique » alors qu’il organise en réalité une baisse des recettes : suppression de la taxe d’habitation, baisses d’impôts pour les entreprises, exonérations massives de cotisations sociales. Résultat : un déficit public à 5,8 % du PIB en 2024 et des comptes sociaux déséquilibrés, pris pour prétexte afin de geler les prestations, durcir les franchises médicales et réduire la protection collective.

Pierre-Louis Bras le rappelle : la part des dépenses publiques dans le PIB est restée quasi stable depuis 2017, mais celle des recettes a reculé de près de trois points. Autrement dit, le déficit est d’abord le produit d’une politique de cadeaux fiscaux, non d’une explosion des dépenses. Or le gouvernement persiste à présenter les dépenses sociales comme un problème, au lieu d’interroger la fiscalité et la répartition des richesses.

Des services publics sous pression

Dans le budget de la Sécurité sociale 2026, le gel du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers et le doublement des franchises médicales résument la logique d’austérité. Les agents publics voient leurs salaires baisser en euros constants, tandis que 3,4 milliards d’euros de dépenses de santé sont transférés vers les ménages et les complémentaires. Ce n’est pas une économie, c’est un déplacement de charge vers les plus modestes.

Pour Pierre-Louis Bras, ce transfert s’habille du mot « responsabilisation ». Pour la CGT, c’est tout l’inverse : on privatise la solidarité nationale, on organise le renoncement aux soins et on affaiblit la Sécurité sociale. Les hôpitaux manquent de moyens, les EHPAD sont à bout, les personnels épuisés ; et pendant ce temps, les coûts de gestion redondants entre assurance maladie obligatoire et complémentaires atteignent près de 9 milliards d’euros par an.

Fiscalité : l’urgence d’une réforme de justice sociale

Pierre-Louis Bras constate à juste titre qu’une hausse des prélèvements est inévitable si l’on veut réduire le déficit. Mais encore faut-il savoir sur qui la faire peser. Pour la CGT, le financement des services publics et de la Sécurité sociale ne peut plus reposer principalement sur les revenus du travail.

La Confédération rappelle que plus de 200 milliards d’euros d’aides et d’exonérations sont accordés chaque année aux entreprises, sans contrôle ni contrepartie. Ces dispositifs, présentés comme favorisant l’emploi, ont en réalité installé une véritable trappe à bas salaires et appauvri les recettes de la protection sociale. La CGT en demande la suppression progressive, tout en imposant des contreparties strictes sur l’emploi et les salaires.

Le syndicat défend une réforme fiscale globale : impôt sur le revenu réellement progressif, rétablissement de l’ISF, taxation des superprofits et des transmissions de très hauts patrimoines. Autant de leviers permettant de financer durablement la Sécurité sociale sans aggraver les inégalités.

Retraites : le vrai débat reste social, pas comptable

Pierre-Louis Bras souligne que les dépenses de retraite sont stables autour de 14 % du PIB et que le déficit provient surtout du désengagement de l’État. Pour la CGT, ces chiffres confirment que la réforme Borne de 2023 était injustifiée et purement idéologique. Repousser l’âge de départ, c’est priver les salariés de leur droit à une retraite en bonne santé. Cette réforme, rejetée massivement par la population, a déstabilisé le pays sans régler le moindre problème budgétaire. La CGT rappelle que le financement des retraites dépend d’abord du niveau de l’emploi, des salaires et des cotisations, non de l’âge de départ.

Quant à la contribution des retraités, évoquée par Pierre-Louis Bras, le syndicat rappelle que le niveau de vie des pensions est déjà en recul et qu’il serait inacceptable de les faire payer davantage, alors que les plus riches cumulent retraites confortables et patrimoines colossaux.

Pour une autre utilisation de la richesse

La France n’est pas un pays pauvre : ses entreprises du CAC 40 ont versé plus de 97 milliards d’euros de dividendes en 2024, un record historique. Le problème n’est pas le coût du travail mais le coût du capital. Tant que les profits seront sanctuarisés et les impôts redistributifs sabrés, les déficits continueront de servir de prétexte à l’austérité.

La CGT Champagne s’inscrit pleinement dans ce constat : la réduction du déficit ne peut pas passer par le gel des salaires, la baisse des pensions ou la restriction des droits sociaux. Elle exige un véritable changement de cap : taxer le capital, renforcer la progressivité fiscale et redonner à la Sécurité sociale les moyens de son ambition.

Pour une autre voie budgétaire

Au-delà des débats techniques, la question du déficit est une question de choix de société. Veut-on poursuivre la logique de compression des droits et des services publics, ou reconstruire une solidarité nationale fondée sur la justice et la redistribution ?Pour la CGT, la réponse est claire : c’est au capital de payer sa part de dette sociale, pas aux travailleurs, pas aux retraités, pas aux malades.

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