Au tribunal de Reims, deux jours d’audience ont levé le voile sur une fraude massive à l’étiquetage de faux champagne menée par Didier Chopin. © Archives France Télévision

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 06 juin 2025

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Les 10 et 11 juin 2025, le tribunal correctionnel de Reims a jugé Didier Chopin, négociant-manipulant bien connu dans la Marne, pour une vaste affaire de faux champagne. L’escroquerie, qui s’est déroulée entre juin 2022 et mai 2023, a conduit à la mise en circulation de plusieurs centaines de milliers de bouteilles frauduleusement étiquetées. Le procès a mis en lumière des pratiques illégales, un système de production opaque, et la mobilisation de plusieurs parties civiles, dont le Comité Champagne, la centrale d’achat Scapest et la CGT Champagne. Le jugement a été mis en délibéré au 2 septembre.

Une production parallèle hors de tout contrôle

Didier Chopin comparaissait aux côtés de son épouse Karine Faye et de la SAS Chopin. Le dossier d’instruction décrit un fonctionnement bien rôdé : des vins tranquilles, achetés notamment en Espagne et en Ardèche, étaient gazéifiés à Billy-sur-Aisne (Aisne), puis expédiés à Champlat-et-Boujacourt (Marne) pour y être dégorgés, étiquetés et commercialisés comme champagne. Le tout en dehors de tout cadre réglementaire. Aucune traçabilité n’était tenue, les dégorgements n’étaient pas déclarés, et les bouteilles circulaient sous l’étiquette d’une AOC qu’elles ne respectaient en rien.

Des volumes contestés, des clients trompés

Dès le premier jour d’audience, Didier Chopin a reconnu une partie des faits, évoquant des difficultés financières, des erreurs de gestion et un engrenage dont il dit ne pas avoir su sortir. Il a estimé à environ 520 000 bouteilles les volumes concernés. Mais cette estimation a été largement contestée. Les parties civiles ont évoqué un chiffre plus proche du million et demi. L’avocat de la centrale d’achat Scapest (Leclerc), principal client concerné, a rappelé qu’un audit sur 136 110 bouteilles avait été engagé après des réclamations de consommateurs. Sur les 50 bouteilles testées, seules deux contenaient du champagne conforme. Il a pointé l’évaporation de plus de 400 000 bouteilles et affirmé qu’une part importante de la production aurait été écoulée hors des circuits officiels, notamment à l’étranger.

Le Comité Champagne dénonce une atteinte à l’appellation

Le Comité Champagne (CIVC) s’est lui aussi constitué partie civile. Son avocate a dénoncé une désorganisation volontaire du circuit de production, rendant toute vérification impossible. Elle a notamment relevé que des raisins déclassés, issus de la vendange 2020, auraient été utilisés en infraction totale avec les règles de l’appellation. Pour le CIVC, il s’agit d’une atteinte grave à l’image collective du champagne et à la régularité de la filière.

La CGT défend les salariés et les règles collectives

Une autre partie civile présente à l’audience était la CGT Champagne. Le syndicat s’est constitué au procès pour représenter les intérêts des salariés de la profession, et par définition ceux des salariés des sociétés Chopin. Cette démarche vise à défendre les droits des travailleurs de la profession dans leur ensemble, tant sur le plan social que financier. En amont du procès, la CGT avait accompagné les salariés licenciés lors de la liquidation judiciaire, en lien avec le liquidateur, afin de faire régulariser les situations individuelles : salaires dus, congés non soldés, documents de fin de contrat. Elle avait également souligné que l’employeur n’appliquait pas la convention collective du champagne, pourtant obligatoire pour un négociant de la filière.

Une alerte venue de l’intérieur

La révélation de l’affaire a été rendue possible par une ancienne salariée de Billy-sur-Aisne, Ludivine Jeannin, qui a signalé les faits en 2023 à un policier, au Comité Champagne, aux douanes, puis à la presse. Elle s’est elle-même constituée partie civile. Le parquet a reconnu son rôle déterminant dans le déclenchement des investigations, tout en écartant les tentatives de la défense de faire peser sur elle la responsabilité des pratiques frauduleuses.

Des réquisitions en deçà des dégâts sociaux et économiques

À l’issue des débats, le ministère public a requis quatre ans d’emprisonnement, dont un an ferme, à l’encontre de Didier Chopin, accompagnés d’une amende de 100 000 euros et d’une interdiction définitive d’exercer dans la filière champagne. Contre Karine Chopin, il a requis deux ans de prison avec sursis, la même amende, une interdiction professionnelle, et la confiscation de ses biens personnels, notamment une assurance-vie de 100 000 euros. Le parquet a par ailleurs rappelé la disparition de 40 000 bouteilles gagées auprès d’un établissement bancaire, représentant un préjudice de 425 000 euros, ainsi que le transfert de plus de 500 000 euros vers des comptes en France et au Maroc. Didier Chopin, incarcéré au Maroc pour une autre affaire entre 2024 et début 2025, a déclaré à l’audience qu’il vivait aujourd’hui du RSA et ne disposait plus de patrimoine. Il a conclu en disant sa honte d’avoir agi ainsi.

Une affaire loin d’être close

Le jugement est attendu le 2 septembre 2025. Un second procès se tiendra en février 2026 pour les infractions douanières. Par ailleurs, Didier Chopin fait l’objet d’une enquête distincte pour des accusations de violences sexuelles, certaines en lien avec le cadre professionnel à Champlat-et-Boujacourt et Billy-sur-Aisne.

Vidéo du JT du 19h-20h d’ICI France 3 Champagne-Ardennes