De gauche à droite : Philippe Cothenet, José Blanco, Anthony Smith et Noël Sainzelle, réunis à Châlons pour convenir de leur déplacement au Parlement européen pour porter la voix des travailleurs de la filière Champagne après les vendanges 2025. © Maxime Chaudin LFI
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 15 juillet 2025
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Une délégation de la CGT Champagne reçue par Anthony Smith à Châlons. À l’approche des vendanges 2025, l’Intersyndicat CGT Champagne a rencontré le député européen Anthony Smith (LFI – groupe parlementaire Européen The Left) pour faire le point sur l’emploi, les conditions de travail et d’hébergement des vendangeurs. À l’issue de cet échange à sa permanence châlonnaise, une décision commune a été prise : porter ces revendications au Parlement européen à Strasbourg dès septembre, une fois la campagne achevée. Le député a également été invité à participer à la Caravane syndicale des vendanges.
La CGT Champagne et le député Anthony Smith s’unissent pour porter la voix des vendangeurs jusqu’au Parlement européen
Le vendredi 11 juillet, une délégation de l’Intersyndicat CGT Champagne – composée de José Blanco, Philippe Cothenet et Noël Sainzelle – s’est rendue à la permanence du député européen Anthony Smith (LFI – The Left) à Châlons-en-Champagne. L’objectif de cette rencontre : échanger sur la situation sociale dans le vignoble, en particulier sur l’emploi, les conditions de travail et d’hébergement des vendangeurs en prévision des vendanges 2025.
Un an et demi après le scandale des « vendanges de la honte », il est plus que jamais urgent de remettre au centre du débat la réalité vécue par des milliers de saisonniers, trop souvent invisibilisés derrière l’image dorée du Champagne.
À l’issue de cet échange, une décision commune a été prise : Inviter une délégation de l’Intersyndicat CGT du champagne à participer à la session plénière du Parlement européen à Strasbourg le 10 septembre prochain, à l’issue de la campagne de vendanges 2025. L’objectif sera de porter la voix des travailleurs de la filière Champagne auprès des eurodéputés et des syndicats européens du secteur agroalimentaire. Il s’agira également de faire un point d’étape après la dernière rencontre en Champagne du monopole d’Etat, Systembolaget, distributeur d’alcool en Suède, Norvège et Finlande, venus enquêter sur le respect des droits humains dans notre région.
L’Intersyndicat CGT Champagne a également profité de cette rencontre pour inviter Anthony Smith à participer à la Caravane des vendanges 2025, qui sillonnera la Champagne entre fin août et début septembre. Cette initiative militante vise à aller à la rencontre des vendangeurs sur leur lieu de travail, constater les conditions réelles, écouter leurs témoignages et leur apporter soutien syndical et informations sur leurs droits et leur salaire.
Anthony Smith : « il est inacceptable que l’Union européenne ferme les yeux sur ce qui se passe dans l’une de ses appellations les plus prestigieuses ».
Anthony Smith a salué la démarche portée par la CGT Champagne et a confirmé sa volonté d’y prendre part activement. Il a rappelé que si la Champagne bénéficie à l’échelle mondiale d’une image de produit de luxe, cette renommée repose sur le travail souvent invisible de milliers de saisonniers. En tant que député européen, il considère essentiel d’écouter ces travailleurs et de faire remonter leur parole au sein des institutions européennes. Il a jugé extrêmement préoccupants les éléments exposés par la CGT : des conditions d’hébergement déplorables, des cadences intenables, un recours massif à la sous-traitance opaque et souvent illégale, ainsi que l’exploitation de travailleurs sans papiers. Pour lui, ces situations relèvent d’atteintes aux droits fondamentaux, et ne peuvent être ignorées, en toute impunité, dans une filière aussi emblématique que celle du Champagne.
Il a confirmé sa participation à la Caravane de la CGT Champagne lors des vendanges 2025, afin d’accompagner la CGT dans cette démarche, désireux d’aller à la rencontre des saisonniers, observer les réalités du terrain et recueillir des témoignages. Il s’est engagé à porter ces constats au Parlement européen, considérant qu’il est inacceptable que l’Union européenne ferme les yeux sur ce qui se passe dans l’une de ses appellations les plus prestigieuses.
La pression des pays nordiques comme levier éthique
Les échanges ont également permis de revenir sur l’influence croissante des pays nordiques – Suède, Norvège, Finlande – qui, via leur monopole d’Etat de distribution d’alcool, « Systembolaget », se montrent de plus en plus attentifs aux conditions de production des vins qu’ils importent. « Ils ne veulent pas acheter du champagne qui ne respecte pas leur éthique », a rappelé José Blanco, secrétaire général de la CGT Champagne. Ces pays pèsent plus de 5,6 millions de bouteilles par an. Leur prise de position peut donc avoir un impact économique réel, y compris sur les marchés anglo-saxons.
Pour la CGT Champagne, ces exigences doivent être vues comme une opportunité de progrès social :
Exiger une traçabilité sociale dans le Champagne
« Il existe déjà une traçabilité sur le bio, l’habillage, la technicité du vin », mais côté social ? Rien. « Aujourd’hui, on peut dire que telle grappe vient de tel village, de tel vigneron. Il suffirait aussi de dire : dans mon équipe, il y avait tant de personnes, elles ont été traitées de telle manière », indique Philippe Cothenet, secrétaire adjoint de l’Intersyndicat.
Il est temps que l’humain retrouve sa place sur l’étiquette. Car dans les vignes, les conditions de travail restent invisibles, alors qu’elles sont parfois indignes. Pour changer cela, la CGT Champagne plaide pour que syndicats ouvriers et patronaux travaillent enfin ensemble au sein du comité Champagne à une traçabilité sociale digne de ce nom.
Noël Sainzelle, quant à lui, a rappelé que les grandes maisons de négoce ont un devoir de vigilance sur toute leur chaîne d’approvisionnement :
« Elles doivent s’assurer que les raisins achetés à leurs livreurs sont cueillis dans le respect des droits de l’homme. Il ne faut pas qu’elles ferment les yeux. C’est la seule manière d’éviter un nouveau scandale comme celui des vendanges de la honte 2023, qui relevait clairement de la traite d’êtres humains. »
Rendez-vous est donné en septembre à Strasbourg
Alors que la filière Champagne a connue des records de vente et de rentabilité ces trois dernières années, les travailleuses et travailleurs en extrême précarité dans ce secteur viticole restent les grands oubliés du système. En portant ce combat jusqu’au Parlement européen, la CGT Champagne rappelle que derrière chaque bouteille se cachent des mains, des visages et des vies humaines. Cette démarche n’est pas un symbole : c’est un signal. Un signal adressé à toute une profession, pour que l’excellence champenoise rime enfin avec justice sociale. À la rentrée, c’est bien la réalité du terrain viticole que la CGT Champagne fera entendre à Strasbourg.