Entre 500 et 600 salariées rassemblés ce mardi 3 juin 2025 dans la cour d’honneur de Moët & Chandon à Épernay, à l’appel de la CGT, pour dénoncer les suppressions d’emplois annoncées par LVMH. © CGT champagne.
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 04 juin 2025
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Annoncer 1 200 suppressions de postes par mail, à la veille du 1er mai : c’est la méthode choisie par LVMH pour faire passer un plan d’économie brutal sur l’ensemble de son périmètre. Si la direction parle d’un ajustement global, elle n’a donné aucun détail sur les entreprises ni les services réellement concernés. À Moët & Chandon – Ruinart, la riposte s’organise.
Ce mardi 3 juin, à l’appel de la CGT, entre 500 et 600 salariés se sont réunis dans la cour de l’établissement Moët&Chandon à Épernay. Barbecue solidaire, prises de parole percutantes, appel à la grève : la colère est vive, mais la solidarité est bien réelle. À l’initiative de l’Intersyndicat CGT du Champagne, des soutiens venus d’autres maisons de la filière se sont joints au rassemblement.
👉 Une vidéo de cette mobilisation est disponible en bas d’article.
Un groupe qui supprime des postes… mais qui continue de battre des records
Dès l’ouverture du rassemblement, Alexandre Rigaud, délégué syndical CGT, donne le ton : ce qui se joue n’est pas simplement une baisse conjoncturelle d’activité, mais un plan de restructuration froidement calculé. Annoncé sans concertation, par une vidéo impersonnelle envoyée le 30 avril, le plan de suppressions est vécu comme un mépris total des salariés.
« Quand on apprend par un copain élu de VCP qu’une annonce va tomber, qu’on doit appeler nous-mêmes le DRH pour vérifier, et qu’on découvre la chose dans une vidéo intitulée Visions… on se dit qu’on est tombés bien bas », ironise-t-il. Le lendemain matin, les salariés découvrent la nouvelle dans les médias, sans autre explication.
Pour la CGT, il s’agit d’une stratégie de rentabilité à court terme. Car les chiffres sont sans appel : 84 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, 20 milliards de bénéfices, et plus de 30 milliards de dividendes versés depuis 2019. « Ce n’est pas une entreprise en difficulté qui licencie, c’est un groupe qui maximise ses profits sur le dos des travailleurs », martèle Alexandre Rigaud. Et de rappeler que derrière ces 1 200 postes, ce sont des vies, des familles, des CDD et des intérimaires qui risquent de disparaître dans l’anonymat d’un plan d’ajustement comptable.
Une méthode brutale, un message clair : « les salariés sont une variable d’ajustement »
Éric Mougeole, délégué UGICT CGT pour les cadres, alerte sur la logique dangereuse et hypocrite de l’annonce. « On parle de “départs naturels” : retraites, démissions, ruptures conventionnelles… Mais derrière ces termes, il n’y a rien de naturel. Il y a des postes supprimés, non remplacés, et des charges transférées sur les collègues. C’est une logique de jeu de chaises musicales où personne ne gagne. »
Il pointe aussi la surcharge de travail à venir, la montée du recours à la sous-traitance, et la culpabilisation implicite : « Ceux qui pensent qu’en courant plus vite, en se rendant indispensables, ils sauveront leur poste, doivent regarder en face la réalité : même les plus engagés peuvent être sacrifiés dans cette mécanique de réduction de coût. »
La CGT dénonce également le manque de transparence. Les échanges avec la direction n’ont été possibles que grâce à la pression syndicale. « Ce n’est pas Guiony qui est venu à nous. C’est nous qui avons forcé la rencontre. »
Le vignoble menacé à son tour : la précarité avance masquée
Philippe Cothenet, délégué CGT du vignoble, revient d’abord sur un incident passé sous silence : lors des dernières informations syndicales, certains managers ont tenté de dissuader les salariés en CDD d’y assister, répétant toute la matinée qu’« il n’y avait pas d’obligation d’y participer ». Une tentative de pression que la CGT dénonce comme une entrave inacceptable au droit d’information syndicale.
Puis il alerte : le vignoble n’est pas épargné. Bien au contraire. Les choix techniques opérés pra la mise en place des vignes semi-larges et sa réduction du nombre de ceps à l’hectare, la simplification de la taille en guyot ou l’introduction de prestataires venus d’Europe de l’Est – visent à réduire le besoin en main-d’œuvre. « On externalise, on mécanise, on simplifie pour faire baisser les coûts… mais à quel prix pour l’emploi local ? », s’interroge-t-il.
Il évoque aussi les nombreux départs discrets, non comptabilisés dans les 1 200 suppressions officielles : 80 chez MHD Distribution, des dizaines ailleurs. « L’arbre des 1 200 cache la forêt d’un plan bien plus vaste. Et ce n’est peut-être que le début. Si les résultats commerciaux ne remontent pas, une deuxième vague pourrait suivre. »
Un appel à la grève pour dire non à la résignation
Face à cette situation, la CGT a lancé un appel à la grève de deux heures pour tous les salariés de Moët & Chandon – Ruinart : ouvriers, employés, cadres, vignoble, production, administratif… Une grève symbolique mais déterminée, pour marquer le refus collectif de ce plan destructeur.
En parallèle, un droit d’alerte a été déposé en CSE central, avec une trentaine de questions posées à la direction sur la répartition des suppressions de postes, les activités impactées, les conséquences pour les salariés restants.
Pour la CGT, il s’agit aussi de préparer la suite. « On ne laissera pas passer. Si aujourd’hui, ils suppriment 1 200 postes sans réaction, demain, ce sera 2 000. Il faut leur montrer qu’on est là, qu’on ne se laissera pas faire.
Solidarité entre maisons : une riposte collective à organiser
En conclusion, Alexandre Rigaud souligne un point essentiel : la solidarité interprofessionnelle et inter-établissements. Car à l’appel de l’Intersyndicat CGT du champagne, ce 3 juin, précise-t-il, des élus CGT de VCP, Ruinart et d’autres maisons sont venus soutenir le mouvement. « À chaque mobilisation importante, les salariés de Moët répondent présents. Et ce soutien, on le retrouve chez nos camarades des autres maisons. C’est ça, notre force. »
Le combat ne fait que commencer. La CGT Champagne appelle à rester mobilisés, à faire front ensemble, et à refuser la logique mortifère d’un capitalisme qui détruit les emplois tout en engraissant les actionnaires.
🎥 VIDÉO DU RASSEMBLEMENT : Retrouvez ci-dessous un extrait vidéo des prises de parole du 3 juin chez Moët & Chandon – Ruinart.