David Chatillon et Maxime Toubart, coprésidents du Comité Champagne, ont réuni leur bureau exécutif pour répondre aux enjeux de la vendange. Crédit photo l’Union.

Reims, le 24 octobre 2023

Les 4 grands chantiers du Comité Champagne où l’art d’enfoncer des portes ouvertes

Tout d’abord, l’Intersyndicat CGT du champagne déplore que les organisations syndicales n’aient pas été reçues par le préfet en même temps que la représentation patronale pour faire un premier bilan de cette scandaleuse vendange. C’est sans doute cette séparation des rencontres qui a laissé penser au Comité Champagne qu’il pouvait définir seul la feuille de route qui permettrait de répondre à l’urgence et de traiter les problèmes de fond sans consulter les organisations syndicales.

La CGT champagne n’accepte pas que les grands chantiers prioritaires soient exclusivement définis par la représentation patronale, d’autant plus que leur analyse incomplète ne prend pas la mesure des enjeux humains et sociaux. Il nous semble que les 4 chantiers proposés par le comité champagne, (les assises de l’hébergement des vendangeurs ; les conditions de santé et de sécurité au travail des vendangeurs ; une charte de prestataires de services ; la reconnaissance comme métier en tension) visent essentiellement à protéger les employeurs. Il nous semble également que cette démarche relève d’une campagne de communication visant à faire oublier la triste actualité et les scandaleuses pratiques de ces dernières vendanges et à préserver les ventes de fin d’année. Par ailleurs, ces chantiers ne consistent, pour partie, qu’en une relecture des guides « vendange 2022 ;2023… ». Nous invitons, donc, le SGV à se relire (https://extranet.sgv-champagne.fr).

Concernant les assises de l’hébergement des vendangeurs :

Une des causes principales des scandales d’hébergement réapparus lors de la dernière vendange ne sont plus liées aux contraintes d’hébergement puisque celles-ci ont été assouplies, mais bien à une tendance à la facilité consistant à déléguer la gestion des vendanges à des prestataires de services, déclinaison champenoise de l’ubérisation du travail.

Pour les vignerons ne possédant pas d’infrastructures pour loger leurs vendangeurs, nous préconisons de mettre en place un partenariat avec les communes viticoles pour ouvrir à la location des bâtiments ou terrains viabilisés publics et/ou privés, inutilisés pendant la période des vendanges (chambres d’hôte, gîtes, salles des fêtes, installations de mobile-homes , caravanes par exemple), faisant aussi revivre l’économie des villages. Cette préconisation nous semble aisément réalisable au regard des résultats de la filière.

Concernant les conditions de santé et de sécurité au travail des vendangeurs :

La clé de voûte de la pénibilité et de ses funestes conséquences est l’organisation du travail à la tâche qui condamne de facto les vendangeurs à des cadences et amplitudes de travail élevées quelles que soient les conditions climatiques. En conséquence, nous exigeons l’abolition du travail à la tâche, seule mesure sine qua non à l’efficience des adaptations aux fortes chaleurs, soutenue par le Comité Champagne lui-même : ” adapter les horaires de travail, adapter le rythme de travail, organiser des pauses supplémentaires ou plus longues… “.

A cette fin, nous préconisons que le code du travail soit adapté aux changements climatiques. Nous estimons que le législateur doit fixer de nouvelles obligations précises aux employeurs, comme des seuils réglementaires d’exposition à la chaleur, d’autant plus que le problème risque d’empirer à l’avenir. Parmi ces obligations devra figurer la possibilité pour les agents de contrôle de faire stopper les chantiers exposant les salariés aux seuils précités.

Bien évidemment, à ces préconisations s’ajoutent les mesures de bon sens, non exhaustives, telles : mise à disposition de barnum, d’eau fraîche et potable, brumisateur d’eau minérale, vaporisateur d’humidification, lunettes de soleil, crème solaire, couvre-chef protégeant la nuque…

Concernant l’offre de prestations de services sécurisées :

Considérer la prestation de services et son développement comme nécessaire et inéluctable est un postulat néolibéral qui pose le dumping social comme un horizon indépassable. Nous rappelons que le recours aux prestataires est avant tout un choix économique, trop peu cadré.

C’est pourquoi, ” une charte de prestataires de services en Champagne “ ne suffira pas à répondre aux exigences légales et sociales, car elle ne serait aucunement contraignante. Pour preuve, celle mise en place en Gironde pour la vendange 2023 a brillé par son inefficacité.

Par conséquent, nous préconisons que la création d’une société de prestations de services soit subordonnée à une réglementation contraignante : un agrément, un diplôme d’État certifiant des connaissances juridiques et sociales… Et qu’en cas de manquement du prestataire, la responsabilité du donneur-d’ordres soit engagée, mais aussi qu’il soit impérativement tenu solidairement responsable des infractions éventuellement commises par ce dernier.

Faciliter le recrutement et reconnaissance comme métier en tension

La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur viticole en général et, plus particulièrement pendant la période des vendanges, présentée comme une fatalité par le patronat justifiant d’une part, le recours à la prestation de services et d’autre part, la reconnaissance comme « métier en tension » relèvent de choix délibérés.

Cet aspect pour l’Intersyndicat CGT du champagne relève d’un manque d’attractivité dont les principales raisons sont liées aux conditions de travail difficiles ainsi qu’aux faibles rémunérations.

Pour mettre fin à cette pseudo-tension sur le métier, il faut donc actionner plusieurs leviers : abolir le travail à la tâche et augmenter les salaires des vendangeurs rémunérés à l’heure, imposer des règles exigeantes en matière d’amélioration des conditions de travail visant à protéger la santé et la sécurité des vendangeurs, maintenir les indemnités aux chômeurs pour inciter la population des sans-emploi locaux à venir faire les vendanges, prendre en charge le transport, inclure le délai de route dans le temps de travail effectif, l’hébergement ainsi que la nourriture des vendangeurs…

En résumé, ses quatre grands chantiers sont des coquilles vides aux mesures non-contraignantes, répondant avant tout à préserver l’image du champagne, et de certains décideurs publiques et d’une partie de la filière, qui ferment les yeux, d’année en année, sur cette forme d’exploitation humaine.

Pour enrayer ce fléau, il faut d’abord une réelle volonté et un véritable courage politique en intégrant une dimension sociale contraignante au cahier des charges de l’AOC Champagne. Pour que celle-ci ne se cantonne pas à une profession de foi, il faut mettre en place une traçabilité de l’éthique sociale portant sur : la qualité de l’hébergement ; la qualité du recrutement ; les niveaux de rémunération et les conditions de travail. Tout manquement à cette nouvelle réglementation exposera l’exploitant viticole à des sanctions pouvant entraîner le déclassement partiel ou total de la récolte.

Nous émettons également des réserves sur la pertinence de maintenir des dérogations sur le temps de travail dès lors qu’elles favorisent ce genre de dérive aux conséquences dramatiques.

Nous, CGT champagne, exigeons de véritables états généraux des vendanges, pour que plus jamais il n’y ait d’exploitation de la misère humaine dans les bulles du roi des vins !

Télécharger le communiqué : Les 4 grands chantiers du Comité Champagne où l’art d’enfoncer des portes ouvertes