Salariés de Moët & Chandon, Ruinart, Veuve Clicquot et Krug réunis dans la cour d’honneur avenue de Champagne à Épernay, lors de la grève et de la réunion d’information syndicale CGT du 11 décembre. © CGT Champagne.
✍️Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 12 décembre 2025
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Ce jeudi 11 décembre, la cour d’honneur de Moët & Chandon, avenue de Champagne à Épernay, n’a pas seulement été le point de ralliement d’une grève massive. Elle a aussi été le cadre d’une réunion d’information syndicale CGT, réunissant plus de 600 salariés de Moët & Chandon-Ruinart, Veuve Clicquot-Krug. Une mobilisation forte, suivie d’informations directes aux salariés, pour dénoncer la suppression de la participation, de la PPV et le refus d’une prime de Noël, dans un groupe qui continue pourtant d’engranger des centaines de millions d’euros de bénéfices.
🎥 La vidéo de la manifestation et de la réunion d’information syndicale est disponible en bas de cet article.
Un rassemblement massif qui débouche sur une réunion d’information syndicale
Dès la fin de matinée, les salariés convergent vers la cour d’honneur du site Moët & Chandon. À partir de 11h30, la mobilisation prend forme, avant de laisser place, à 12h30, à une réunion d’information syndicale organisée par la CGT, en plein cœur de l’avenue de Champagne.
Ce temps syndical permet aux salariés de s’informer précisément sur la situation et d’entendre directement les analyses et revendications portées par leurs représentants. Production, vignoble, bureaux, administratifs : toutes les catégories professionnelles sont représentées, tout comme plusieurs maisons du groupe.
La présence massive des salariés de Veuve Clicquot-Krug, venus notamment de Reims et d’Ambonnay, marque un fait important. Cette solidarité inter-maisons, rarement observée à ce niveau, donne une dimension collective au conflit et renforce considérablement le rapport de force.
Alexandre Rigaud : défendre les rémunérations et les acquis sociaux
La réunion d’information est ouverte par Alexandre Rigaud, délégué syndical CGT Moët & Chandon – Ruinart. Il rappelle le sens de la mobilisation et remercie les salariés pour leur présence massive dans la cour d’honneur.
Il insiste sur le fait que la grève engagée n’a rien d’un geste symbolique. Elle vise à défendre des éléments centraux de la rémunération. Participation, PPV, primes de fin d’année ne sont pas des avantages accessoires, mais des acquis sociaux conquis au fil de décennies de luttes syndicales dans le Champagne.
Il souligne également l’importance de la solidarité entre maisons, rappelant que lorsque des sujets fondamentaux sont en jeu, les salariés savent dépasser les clivages historiques. Cette unité, affirme-t-il, est précisément ce qui inquiète aujourd’hui la direction.
Une perte de 15 à 30 % de rémunération : une ligne rouge franchie
Au fil de son intervention, Alexandre Rigaud chiffre clairement les conséquences des décisions patronales. Pour certains salariés, la suppression de la participation et des primes représente entre 15 et 30 % de perte de rémunération par an. Une baisse brutale, d’autant plus difficile à accepter qu’elle intervient après une première chute de 40 % de la participation entre 2023 et 2024. Il rappelle que pour la première fois depuis 1967, aucune maison de MHCS ne versera de participation. Une rupture historique, qui remet en cause un pilier du modèle social du Champagne. Il dénonce un discours patronal alarmiste en total décalage avec la réalité économique du groupe.
Philippe Cothenet : des choix stratégiques qui conduisent à l’impasse
La parole est ensuite donnée à Philippe Cothenet, délégué syndical CGT du vignoble Moët & Chandon et secrétaire général adjoint de l’Intersyndicat CGT du Champagne. Il revient sur les orientations stratégiques prises ces dernières années, alertant sur leurs conséquences à moyen et long terme. Hausse excessive des prix de vente, décrochage de certains marchés, perte de volumes, choix industriels et financiers contestables : autant de décisions que les élus CGT avaient pourtant dénoncées dans les instances.
Sur le vignoble, il exprime de fortes inquiétudes concernant l’explosion des coûts d’exploitation, la baisse des rendements, la conduite de la vigne et le prix du kilo de raisin produit en interne. Il alerte sur le fait que ces choix finiront inévitablement par peser sur les résultats et serviront demain de nouveaux prétextes pour remettre en cause la rémunération des salariés.
Joffrey Stocker : une mobilisation inédite chez Veuve Clicquot et Krug
La réunion d’information se poursuit avec l’intervention de Joffrey Stocker, délégué syndical CGT Veuve Clicquot-Krug. Il souligne le caractère inédit de la mobilisation côté Clicquot-Krug, tant par le nombre de salariés présents que par leur déplacement jusqu’à Épernay.
Il remercie les salariés de la production, du vignoble et des bureaux pour leur engagement, rappelant que cette solidarité entre maisons constitue un signal fort envoyé à la direction. Selon lui, cette unité est une condition indispensable pour obtenir des avancées concrètes et empêcher que la suppression des primes ne devienne la norme.
Un soutien élargi à l’échelle du Champagne
Au cours de la réunion d’information syndicale, les délégations syndicales CGT tiennent également à remercier les salariés des autres maisons de Champagne qui ont répondu présents à l’appel au soutien lancé par l’Intersyndicat CGT du Champagne. Cette présence, parfois venue de maisons non directement concernées par le conflit, est saluée comme un marqueur fort de solidarité professionnelle à l’échelle de la filière.
Les représentants rappellent que ce qui se joue aujourd’hui chez Moët & Chandon-Ruinart, Veuve Clicquot-Krug dépasse largement le cadre d’un seul établissement. Les attaques contre la participation, les primes et les acquis sociaux dans une maison finissent toujours par créer un précédent ailleurs dans le Champagne.
L’Intersyndicat CGT du Champagne réaffirme qu’il continuera de se mobiliser chaque fois que cela sera nécessaire, partout où les salariés verront leur rémunération et leurs droits remis en cause. Il indique également rester particulièrement vigilant sur les suites qui seront données à ce mouvement, tant par la direction de MHCS que par le groupe LVMH, et prévient que la mobilisation du 11 décembre ne constitue en aucun cas un point final.
Des chiffres qui contredisent le discours patronal
Tout au long de la réunion, les chiffres sont rappelés avec précision. Le groupe LVMH affiche 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires à fin septembre. Pour MHCS, les résultats opérationnels courants atteignent encore plusieurs centaines de millions d’euros, avec une estimation d’environ 220 millions d’euros de bénéfices pour 2025.
Dans le même temps, les actionnaires continuent de percevoir des dividendes, parfois même sous forme d’acomptes versés avant la clôture définitive des comptes. Un contraste qui alimente la colère et renforce la détermination des salariés mobilisés.
Une direction sourde, une mobilisation appelée à durer
Les représentants CGT rappellent que les échanges avec la direction n’ont débouché sur aucune avancée concrète. La promesse d’ouvrir des discussions le 21 janvier est jugée insuffisante. Attendre janvier, c’est accepter de perdre définitivement ce qui est supprimé en 2025, et risquer de voir ces pertes intégrées dans les négociations salariales de 2026.
Le message est clair : sans engagement ferme et immédiat, la mobilisation se poursuivra. D’autres actions sont d’ores et déjà envisagées, y compris sur d’autres sites notamment chez Vve Clicquot-Krug ou Ruinart à Reims et pourquoi aussi devant le siège de LVMH à Paris.
Une réunion syndicale, un moment de dignité collective
Au-delà de la grève, cette réunion d’information syndicale a été un moment fort de démocratie sociale. Les salariés ont pu s’informer et mesurer l’ampleur du soutien collectif. Aucun incident, aucune dégradation : la mobilisation s’est déroulée dans le calme et la responsabilité, malgré une colère légitime.
Cette journée du 11 décembre constitue un avertissement clair adressé à la direction de MHCS et au groupe LVMH : les salariés refusent de payer seuls des choix stratégiques qu’ils n’ont pas décidés et entendent défendre pied à pied leur rémunération et leurs acquis.
Télécharger l’article : MHCS en colère : la grève s’installe devant Moët & Chandon
Sources
France Info – Les salariés de la filière Champagne de LVMH mobilisés contre le non-versement des primes
L’Union – Démonstration de force de la CGT devant les locaux de Moët & Chandon
