Manifestation du 19 février 2025 devant l’UMC. Environ 400 salariés se sont rassemblés devant le siège patronal pour appuyer les revendications de l’intersyndicale FO, CGT et CFDT Champagne. © CGT champagne
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 26 février 2025
⏱ Temps de lecture 5 mn
Alors que les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) 2025 de la commission tripartite du Champagne battent leur plein, le dialogue social semble plus que jamais compromis. Entre reports unilatéraux, manifestations massives et refus de négocier par courrier interposé, l’intersyndicale dénonce une tentative de passage en force du patronat. Retour sur les événements marquants de ces dernières semaines et sur les enjeux cruciaux pour les salariés du secteur.
Les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) paritaires 2025 de la commission tripartite du Champagne ont été marquées par une série d’événements significatifs reflétant les tensions entre les représentants des salariés et la délégation patronale.
28 janvier 2025 : première réunion et mobilisation des salariés
La première réunion des NAO s’est tenue le 28 janvier 2025. À cette occasion, entre 450 et 500 salariés des maisons de Champagne se sont rassemblés devant le siège de l’Union des Maisons de Champagne (UMC) à Reims pour soutenir leurs délégués syndicaux. L’intersyndicale CGT, CFDT et FO revendiquait une revalorisation salariale de 3,13 %, en lien avec l’augmentation du SMIC en 2024 et la bonne santé économique du secteur.
Initialement, toutes les organisations syndicales, y compris la CFE-CGC, ont participé à l’élaboration d’un tract commun destiné à mobiliser les salariés, affirmant ainsi une unité syndicale face aux employeurs. Cependant, quelques heures après le début de sa diffusion dans certaines entreprises, la CFE-CGC a demandé à se retirer de l’intersyndicale et a exigé le retrait de son logo de l’en-tête du document.
Pendant ce temps, la réunion a été rapidement ajournée par Michel Letter, président de la commission sociale de l’UMC, qui a refusé de négocier sous la pression de la mobilisation. Cette première confrontation a marqué le début d’un bras de fer entre syndicats et employeurs, laissant présager des tensions croissantes pour la suite des négociations.
6 février 2025 : réunion paritaire sous tension et grève dans les maisons de Champagne
Le 6 février 2025, la deuxième réunion paritaire des NAO s’est tenue dans un climat tendu, avec le président de la commission sociale en visioconférence depuis son lit d’hôpital, faute de suppléant. Pour maintenir la pression, l’intersyndicale a lancé un appel à la grève dans chaque maison de Champagne, largement suivi dès 14h30, en parallèle de la réunion.
Malgré la mobilisation, la délégation patronale a fait une proposition d’augmentation salariale de 1,1 %, bien en dessous des 3,13 % revendiqués. Les syndicats ont dénoncé un décrochage salarial avec les augmentations du SMIC de 8 % en douze ans, aggravant la smicardisation des salariés du secteur.
Face à ces tensions, la réunion a rapidement été ajournée, sans avancée significative, annonçant un durcissement du rapport de force entre syndicats et employeurs.
19 février 2025 : nouvelle manifestation massive, report de la réunion et suspension du dialogue social
Une nouvelle réunion était initialement prévue pour le 19 février 2025. Apprenant qu’une manifestation se tiendrait devant les locaux de l’UMC ce jour-là, le président de la commission sociale a décidé, le 18 février, de reporter la réunion au 20 février, estimant une nouvelle fois que la concomitance de la manifestation et de la réunion ne permettait pas un dialogue serein.
Malgré l’annulation de la réunion initialement prévue, les salariés et l’intersyndicale ont maintenu leur mobilisation devant le siège de l’UMC. Environ 400 salariés se sont tout de même rassemblés devant l’UMC, ce 19 février, pour protester contre la proposition patronale d’une augmentation salariale de 1,1 %, jugée insuffisante par rapport aux revendications syndicales. Le rassemblement, marqué par une forte affluence, a été l’occasion pour les syndicats de réaffirmer leur détermination : « Les négociations salariales ne se feront pas sans nous ! ».
Face au refus de dialogue de la délégation patronale et aux reports de réunions imposés unilatéralement, l’intersyndicale a décidé à l’unanimité de prendre plusieurs mesures :
- Adresser une lettre ouverte à l’ensemble de la profession pour dénoncer la rupture du dialogue social ;
- Demander à chaque direction des maisons de Champagne leur position sur la politique menée par Michel Letter ;
- Suspendre le dialogue social dans toutes les instances en cours et à venir (CSE, CSSCT, NAO et Accords d’Entreprise), sauf en cas d’urgence ou de réunions extraordinaires ;
- Demander audience au Préfet afin d’exposer la situation critique ;
- Annoncer de futures actions de mobilisation, notamment une présence aux assemblées générales des groupes viticoles, ainsi que des manifestations lors d’événements symboliques comme les 100 ans de l’Avenue de Champagne et les 10 ans du classement des paysages et des caves de champagne au patrimoine mondial l’UNESCO.
Cet acte fort a marqué une escalade dans le bras de fer entre les salariés et la délégation patronale, affirmant la volonté des travailleurs du Champagne de ne plus être ignorés dans les discussions sur leurs conditions salariales et leur avenir professionnel.
20 février 2025 : proposition finale de la délégation patronale et boycott de l’intersyndicale
Lors de la réunion reportée au 20 février, la délégation patronale, représentée par Michel Letter, a formulé, dans un courrier envoyé par mail, une ultime proposition de revalorisation du barème tripartite à hauteur de 1,5 %, applicable au 1er janvier. Cette proposition a été acceptée par la CFE-CGC, seule organisation présente à cette réunion, sous réserve de la conclusion d’un accord valable.
Cependant, l’intersyndicale (CGT, FO et CFDT) a refusé de participer à cette réunion. Cette décision découle du report unilatéral décidé par Michel Letter, qui a reprogrammé la rencontre au lendemain de la manifestation du 19 février sans concertation avec les organisations syndicales. Pour l’intersyndicale, cette méthode visait à affaiblir le rapport de force en désorganisant la mobilisation des salariés et en imposant un calendrier arbitraire favorable aux employeurs. Ils dénoncent également une négociation biaisée où la délégation patronale cherche à imposer son agenda et à évincer les revendications salariales légitimes des travailleurs.
Les organisations syndicales ont donc maintenu leur position en refusant de cautionner cette réunion et en réaffirmant leur exigence d’une véritable concertation sociale, basée sur un dialogue équitable et respectueux des travailleurs.
24 février 2025 : lettre ouverte des représentants syndicaux et refus des négociations par courrier interposé
Face aux tensions persistantes et au manque de consensus, les représentants de l’intersyndicale FO, CFDT et CGT ont adressé une lettre ouverte aux dirigeants des maisons de Champagne le 24 février 2025. Ils y dénoncent l’attitude méprisante du président de la commission sociale lors des négociations et appellent à un dialogue social respectueux et équilibré, en adéquation avec les principes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) promus par la filière Champagne.
L’intersyndicale refusant catégoriquement de poursuivre les négociations par courrier interposé, estime qu’un véritable dialogue social ne peut se tenir par échanges épistolaires unilatéraux, mais doit impérativement se dérouler en présence des représentants syndicaux et patronaux autour d’une table de discussion. Ce mode de communication, adopté par la délégation patronale, est perçu comme une tentative de contournement du dialogue direct et une stratégie visant à affaiblir la pression syndicale.
Les syndicats sollicitent donc une rencontre avec un interlocuteur conciliant, engagé dans l’établissement d’un dialogue constructif, et réaffirment leur exigence d’une négociation transparente et équitable pour garantir des conditions salariales justes pour l’ensemble des travailleurs du Champagne.
Un dialogue social au point mort, et une mobilisation qui s’intensifie
Pour conclure : les NAO paritaires 2025 du Champagne, censées être un moment clé pour le dialogue social et l’amélioration des conditions salariales, ont finalement révélé de profondes fractures entre les représentants des salariés et la délégation patronale. Après plusieurs années à être confronté au mépris envers les revendications légitimes des travailleurs et à l’absence de véritables négociations, l’intersyndicale a décidé de suspendre le dialogue social et de renforcer sa mobilisation.
Face à un président de la commission sociale qui refuse d’entendre les voix des salariés devant l’UMC et qui choisit cette année de négocier par échanges de courriers, les syndicats ont choisi de durcir le ton. La suspension des instances de dialogue dans les maisons de Champagne, la demande d’audience auprès du Préfet et la préparation d’actions fortes à venir démontrent une volonté claire : les travailleurs du Champagne ne se laisseront pas réduire au silence.
Alors que l’intersyndicale, gardant le cap, appelle à une mobilisation toujours plus large, la balle est désormais dans le camp des employeurs. Un véritable dialogue social pourra-t-il être rétabli ? L’avenir des négociations dépendra de la capacité des dirigeants des maisons de Champagne à reconnaître l’importance de ceux qui font la renommée et la prospérité de cette industrie fleurissante.