La Sécurité sociale, pilier de la solidarité, fondée sur le travail et non sur le profit. © IA CGT champagne

✍️Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 07 novembre 2025

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On nous répète que la protection sociale coûterait trop cher, qu’il faudrait « rationaliser », confier certaines missions au privé, moderniser par la concurrence — et même baisser les cotisations pour augmenter le salaire net. Ce refrain, usé jusqu’à la corde, revient à chaque débat budgétaire. Pourtant, toutes les études le montrent : dès que le marché s’en mêle, les inégalités explosent et l’efficacité recule. La Sécurité sociale, issue des luttes ouvrières de 1945, reste l’un des plus puissants outils de solidarité et d’émancipation jamais construits. La CGT en défend le principe, les valeurs et la gestion démocratique par les travailleurs eux-mêmes.

Le mirage de la capitalisation

Les partisans de la privatisation des retraites brandissent régulièrement l’exemple de la capitalisation, où chacun épargnerait pour sa propre pension. Ce modèle, vanté comme plus « efficace », repose sur un mensonge : seuls ceux qui peuvent épargner profitent vraiment du système. Les études économiques le confirment : les rendements des placements sont directement proportionnels aux montants investis. Les cadres supérieurs s’en sortent bien ; les ouvriers, employés et précaires se retrouvent avec des retraites dérisoires.
La CGT rappelle qu’un tel système casserait le principe même de solidarité entre générations : aujourd’hui, les actifs financent les retraités, et demain, ce seront les jeunes qui financeront les pensions des actifs d’aujourd’hui. Ce choix collectif garantit la pérennité du modèle et l’égalité d’accès à une vieillesse digne.

La capitalisation, c’est aussi l’exposition directe des pensions aux crises financières : un krach boursier, et les économies d’une vie peuvent s’évaporer. La CGT réaffirme que la retraite doit rester un droit, pas un produit financier.

Santé privée : plus chère, plus inégalitaire, moins efficace

Là encore, la comparaison est édifiante. Aux États-Unis, où l’assurance maladie dépend du bon vouloir des employeurs et des compagnies privées, 30 millions de personnes restent sans couverture santé. Le coût des soins y dépasse les 6 700 euros par habitant contre 4 600 en France, pour une espérance de vie inférieure de plus de six ans. Ce modèle est non seulement injuste, mais inefficace. Il pousse des millions de gens à renoncer à se soigner et transforme la santé en marchandise.

En France, malgré les attaques successives, la Sécurité sociale assure un accès universel aux soins, quelle que soit la situation de chacun. C’est ce principe que la CGT défend : une santé publique fondée sur le besoin, pas sur le profit. Les dérives de la tarification à l’acte, la fermeture des hôpitaux de proximité et le recours croissant au privé démontrent les effets destructeurs d’une logique de rentabilité appliquée à l’humain. Derrière les chiffres et les tableaux de bord, ce sont des vies qui se dégradent : des services d’urgences saturés, des maternités supprimées, des soignants épuisés, contraints de quitter un métier qu’ils aimaient parce qu’on leur impose de « faire du chiffre ». Les patients, eux, paient le prix fort : des délais interminables pour un rendez-vous, des kilomètres à parcourir pour consulter, des renoncements aux soins faute de moyens ou de transports.

Cette gestion comptable du soin transforme les hôpitaux en entreprises et les patients en clients. Les actes les plus rentables sont encouragés, tandis que la prévention, la santé publique et la continuité des soins sont reléguées au second plan. L’hôpital public, pilier de l’égalité d’accès aux soins, est ainsi fragilisé au profit des cliniques privées, qui sélectionnent leurs patients et concentrent leurs efforts sur les activités les plus lucratives.

La CGT dénonce cette marchandisation du soin qui trahit l’esprit même de la Sécurité sociale : soigner chacun selon ses besoins, non selon sa rentabilité. La santé doit rester un droit fondamental, garanti par un service public fort, financé solidairement et affranchi des logiques de profit.

L’externalisation du service public de l’emploi : un échec coûteux

Même constat du côté de l’accompagnement des chômeurs. En confiant des missions de France Travail à des opérateurs privés, l’État a multiplié les dépenses sans améliorer les résultats. Entre 2019 et 2024, le budget des prestations sous-traitées est passé de 117 millions à 417 millions d’euros, pour des dispositifs jugés « peu performants et coûteux » par les inspections des finances et des affaires sociales.

Les études menées dès 2009 montraient déjà que le service public faisait mieux que le privé à moyens équivalents. Les agents de l’emploi, formés et investis d’une mission de service public, obtiennent des résultats plus homogènes et plus durables que les prestataires guidés par des objectifs commerciaux.

Pour la CGT, cette dérive illustre une logique globale : on dénigre le service public pour mieux justifier sa mise en concurrence, puis on constate, trop tard, que le privé coûte plus cher et protège moins.

La marchandisation du soin illustre une dérive plus large : celle d’une société où tout devient marchandise, jusqu’à la solidarité. Cette logique n’épargne pas le reste de la protection sociale, et certains vont même jusqu’à prétendre qu’en réduisant les cotisations, chacun gagnerait en « pouvoir d’achat ». C’est l’un des mensonges les plus répandus de ces dernières années.

Le piège du « salaire net plus élevé » : une illusion dangereuse

Certains affirment qu’en baissant les cotisations sociales, les salariés toucheraient davantage de « salaire net ». Ce raisonnement, apparemment séduisant, relève de la tromperie : les cotisations sociales ne sont pas un impôt, mais une part différée du salaire, un salaire socialisé qui finance les droits collectifs — retraite, santé, chômage, famille.

Supprimer ou réduire ces cotisations reviendrait à rendre à chacun une poignée d’euros supplémentaires chaque mois, tout en détruisant les mécanismes de solidarité qui garantissent des soins accessibles, des retraites stables et une protection en cas de perte d’emploi. Car la vérité, c’est que l’augmentation du salaire net ne compenserait jamais les dépenses nouvelles imposées par le recours au privé.

Les assurances santé privées, les mutuelles individuelles, les plans d’épargne retraite ou les complémentaires chômage coûtent bien plus cher que la part de salaire socialisé prélevée aujourd’hui. Ce qu’on gagnerait d’un côté serait englouti de l’autre, au profit d’intérêts financiers. Dans les pays où ce modèle domine, comme les États-Unis, les ménages consacrent une part bien plus importante de leur revenu à se soigner et à se protéger, pour des services souvent moins efficaces.

En réalité, cette promesse d’un salaire net plus élevé n’est qu’une manière détournée de transférer le financement de la protection sociale vers les individus, et donc de remettre en cause l’universalité des droits conquis. La CGT réaffirme qu’il n’y a pas de pouvoir d’achat durable sans sécurité collective : les cotisations ne sont pas une charge, mais un bien commun qui protège chacune et chacun.

Une conquête sociale menacée, un modèle à reconquérir

Ce que démontre Alternatives Économiques, c’est ce que les militants répètent depuis des décennies : le privé ne fait pas mieux que la Sécurité sociale, il fait pire. La protection sociale française n’est pas un luxe mais une richesse collective. Chaque euro de cotisation sert à répondre à des besoins humains : soins, retraite, chômage, maternité, accidents du travail. Rien à voir avec les dividendes des assureurs ou les marges des groupes hospitaliers privés.

La CGT revendique au contraire un renforcement du financement solidaire par les cotisations sociales, une remise en cause des exonérations patronales inefficaces et une véritable démocratie sociale dans la gestion des caisses. Redonner du pouvoir aux représentants des salariés dans les instances de la Sécu, c’est renouer avec son esprit d’origine : une institution gérée par et pour le monde du travail.

La Sécurité sociale repose sur la solidarité entre les générations, entre les métiers et entre tous les statuts du travail : salariés, précaires, fonctionnaires, retraités ou privés d’emploi, unis dans un même système de droits et de financement commun, né du conseil de la Résistance et porté par des millions de travailleurs.

À ceux qui prétendent que « le privé ferait mieux », les faits répondent sans ambiguïté : le privé exclut, la Sécu protège. Et c’est précisément pour cela qu’il faut la défendre, la renforcer et la remettre au cœur du projet social français

Télécharger l’article : Retraites, santé, chômage : quand le privé prétend faire mieux que la Sécu

Sources :

 – Alternatives Économiques, 10 novembre 2025, « Retraites, santé, chômage : le privé ferait-il mieux que la protection sociale ? »

–  Site confédéral www.cgt.fr : positions sur la Sécurité sociale, la santé publique et les retraites.

 – OCDE, données 2021 sur les dépenses et l’espérance de vie.