Le torchon brûle entre les vignerons bio et le SGV
La question des herbicides oppose l’association des champagnes biologiques (ACB) et le syndicat général des vignerons (SGV). Alors qu’une tribune est en préparation du côté de l’ACB, demandant l’arrêt des désherbants dans l’appellation, le président de l’association, Pascal Doquet, a démissionné.
Note de l’Intersyndicat CGT du champagne :
Après la rupture avec les vignerons indépendants de champagne (lire ici) et les divergences avec l’association des champagnes biologiques (ACB) demandant l’arrêt des désherbants dans l’appellation « champagne », la lettre G signifiant Général dans l’acronyme SGV (Syndicat Général des Vignerons) a-t-elle encore véritablement tous son sens ? Au fil du temps et de ses diverses dérives politiques, l’unité du SGV se fracture. Ne deviendrait-il pas de plus en plus inféodé au grand négoce champenois ?…
« Nous, vigneronnes et vignerons champenois, maisons de champagne et coopératives, signataires de cette tribune, souhaitons protester contre le revirement de l’interprofession champenoise qui abandonne aujourd’hui l’objectif de l’interdiction des herbicides dans le cahier des charges de l’appellation champagne. «
C’est, en somme, le résumé d’une tribune qui a fuité la semaine dernière, préparée par l’association des champagnes biologiques (ACB), réclamant la fin des herbicides en Champagne. Diffusé en interne à l’ensemble des membres de l’association, le document doit être diffusé au national ces prochains jours. Seulement, ce dernier a été dévoilé sur le site d’actualités de Sophie Claeys et relayé sur les réseaux sociaux.
L’utilisation des herbicides en Champagne reste motivée par la seule facilité d’usage, associée à un manque de connaissances
Extrait d’une tribune contre les herbicides
En voici quelques extraits : « les alternatives aux herbicides existent. Ces solutions sont plus aisées à mettre en place dans une AOC à très forte valeur ajoutée comme la nôtre. Dans un contexte économique très favorable, notre appellation se doit aujourd’hui et plus que jamais d’être exemplaire. « Actuellement, l’utilisation des herbicides en Champagne reste motivée par la seule facilité d’usage, associée à un manque de connaissances sur l’impact environnemental et sanitaire des molécules utilisées. »
Par cette prise de parole collective, les signataires, dont le nombre n’a pas encore été arrêté, accuse l’interprofession de rétropédaler sur l’engagement Zéro herbicides d’ici à 2025. Un objectif qui avait été clairement défini et communiqué par l’Union des maisons de Champagne (UMC) et le syndicat général des vignerons (SGV) en décembre 2018.
Or, en décembre 2021,Maxime Toubart, président du SGV, a précisé que cet engagement ne serait pas inscrit au cahier des charges. Les producteurs champenois ne seront donc pas contraints, légalement, de se passer d’herbicides.
Une position intenable pour les membres de l’ACB, qui entendent, par cette tribune, faire plier l’interprofession.
« Le document ne sera rendu public qu’au cours de la semaine, et nous ne pouvons pour l’heure pas communiquer sur son contenu, a fait valoir l’ACB. Si l’association des champagnes biologiques est à l’initiative de cette tribune, d’autres vignerons de l’appellation champenoise se sont portés signataires. »
De son côté, la fédération des vignerons indépendants de Champagne, qui aurait pu soutenir l’ACB dans sa démarche face au SGV, n’a pas été informée de cette tribune officiellement. Son conseil d’administration n’a donc pas pris position sur le sujet.
Le bras de fer engagé entre l’ACB et l’interprofession intervient à quelques jours de la grande messe de fin d’année de l’Association viticole champenoise (AVC), qui réunit l’ensemble des acteurs champenois. Nul doute que cette année, l’événement sera particulièrement animé.
Pascal Doquet démissionne de la présidence de l’ACB
Vendredi dernier, Pascal Doquet, a quitté sa fonction de président, remplacé par Jérôme Bourgeois, « anticipant de deux mois la fin de mon mandat » précise-t-il. Également administrateur au sein du syndicat général des vignerons (SGV), Pascal Doquet a indiqué que le cumul de ces deux fonctions était difficilement conciliable dans le contexte actuel. « J’ai un devoir de réserve vis-à-vis du syndicat général des vignerons, qui me met dans une position délicate avec l’association des champagnes biologiques, explique Pascal Doquet. De l’autre, l’ACB n’ayant pas de siège dédié au sein du conseil d’administration du SGV, je ne peux officiellement porter la voix des adhérents. Je préfère donc laisser la place à un autre président pour représenter l’association, et continuer de siéger au SGV. »
Dans un courrier adressé aux membres de l’ACB, Pascal Doquet fait valoir que « dans les échanges et confrontations à venir, je pense que je pourrai encore être utile pour porter au sein de l’interprofession la parole du collectif contre les herbicides qui vient de naître, pour et par la tribune, à la suite de nos invitations auprès de nos relations vigneronnes en dehors de l’association. »