Sous-préfecture de Reims, 1er juillet 2025 : la délégation CGT Champagne participe à une réunion présidée par le préfet Henri Prévost, en présence de représentants du CIVC, des services de l’État et d’acteurs de la filière viticole. © La champagne viticole SGV

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 04 juillet 2025

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Dans un contexte de vigilance accrue autour des conditions de travail saisonnier, une délégation de la CGT Champagne a participé, le 1er juillet 2025, à une réunion en sous-préfecture de Reims sous l’égide du préfet Henri Prévost. Face aux représentants de l’État, du CIVC et de plusieurs acteurs de la filière viticole, les militants ont exposé leurs constats et formulé des propositions concrètes pour renforcer l’encadrement social des vendanges. Une rencontre marquée par des échanges nourris, et la volonté partagée de poursuivre le dialogue

Un dialogue ouvert autour des enjeux sociaux des vendanges

Le mardi 1er juillet 2025, à la sous-préfecture de Reims, une nouvelle réunion du groupe de travail « Ensemble pour les vendanges en Champagne » s’est tenue sous l’autorité du préfet de la Marne, Henri Prévost. Cette rencontre s’inscrit dans le prolongement des échanges engagés après les vendanges 2023, et visait à faire le point sur les actions prévues pour garantir de bonnes conditions d’accueil, de travail et de sécurité aux saisonniers viticoles.

Le préfet a rappelé que plusieurs mesures étaient reconduites ou renforcées : réactivation d’une cellule de veille quotidienne, mobilisation de structures d’hébergement supplémentaires comme l’ancienne base militaire de Reims, présence d’une personne formée aux gestes de premiers secours dans chaque équipe, et promotion de l’embauche étudiante via des partenariats avec l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Il a également insisté sur la bonne application du nouveau décret encadrant le travail en cas de fortes chaleurs, entré en vigueur le jour même.

Grandes maisons et exploitations viticoles engagées dans des progrès notables

Seule organisation syndicale ayant participé à la réunion, la CGT Champagne était composée de José Blanco, Philippe Cothenet, Noël Sainzelle et Philippe Benamou, membre du secrétariat de l’UD CGT du 51. La délégation a salué plusieurs évolutions positives observées depuis deux ans, notamment en matière de coordination préfectorale, d’organisation des vendanges et d’engagement de certaines grandes maisons de Champagne et de certains viticulteurs dans l’amélioration des conditions d’accueil et de logement des travailleurs. Pour le syndicat, ces progrès sont le fruit du travail collectif engagé depuis les mobilisations de 2023 et doivent être consolidés.

José Blanco : alerter sur les transformations structurelles

José Blanco, secrétaire général de l’Intersyndicat CGT du Champagne, a ouvert son intervention en rappelant que les difficultés rencontrées lors des vendanges ne peuvent être isolées du reste de l’année. Selon lui, ces problématiques s’inscrivent dans une transformation plus large de l’organisation du travail viticole, marquée par le développement continu de la sous-traitance.

Il a attiré l’attention sur le fait que des salariés employés par des prestataires interviennent désormais bien au-delà de la période des vendanges, ce qui remet en question le modèle traditionnel de l’ouvrier viticole salarié, ancré localement et bénéficiant d’un emploi stable.

Il a également tenu à souligner que, depuis les alertes syndicales formulées après les graves dérives constatées lors des vendanges 2023, des améliorations sensibles ont été observées. Il a souligné les efforts de structuration menés par certains opérateurs, tout en appelant à une vigilance constante. Il a également insisté sur le rôle positif joué par France Travail, dont l’implication accrue ces derniers mois a permis de favoriser le recours à une main-d’œuvre locale et de mieux encadrer les pratiques d’embauche.

Pour rendre ce recours aux travailleurs locaux plus effectif, il a proposé plusieurs mesures concrètes : garantir un salaire décent, offrir la restauration, mettre en place des transports gratuits, et assurer un hébergement digne. Selon lui, ces conditions constituent le socle nécessaire pour inciter des travailleurs du territoire à participer aux vendanges dans des conditions respectueuses.

José Blanco a également interpellé les services de l’État et notamment le représentant du parquet, présent à cette réunion, sur le suivi de certaines affaires signalées lors des campagnes précédentes, en particulier sur les relogements intervenus en urgence. Il a souhaité savoir si ces situations avaient donné lieu à des enquêtes, à des sanctions, ou à des remontées formelles. Il a insisté sur l’importance de la traçabilité et du retour d’information sur ces cas, estimant qu’il est nécessaire de rendre plus lisible l’action publique et les suites données aux infractions constatées.

Enfin, il a pointé la situation de certains prestataires déjà condamnés par le passé, mais toujours actifs sur le terrain. Il a exprimé sa préoccupation face à cette forme d’impunité, et rappelé que la CGT Champagne revendique depuis longtemps que les donneurs d’ordre – qu’ils soient maisons ou vignerons – soient tenus conjointement  responsables au même titre que les prestataires, dès lors qu’ils s’appuient sur des entreprises impliquées dans des abus ou des fraudes. Pour le syndicat, cette coresponsabilité est indispensable à la crédibilité des efforts engagés.

Philippe Cothenet : prévenir les dérives et mieux encadrer la sous-traitance

Philippe Cothenet, membre de la délégation CGT Champagne, est intervenu pour rappeler les efforts déployés par le syndicat depuis plusieurs années afin de lutter contre les formes graves d’exploitation observées lors des dernières vendanges. Il a évoqué sa participation, aux côtés de M. Goemaere, directeur du CIVC, à une formation organisée à Strasbourg par la MIPROF, au cours de laquelle il a présenté les préconisations concrètes de la CGT Champagne pour prévenir les situations de traite d’êtres humains et d’hébergements indignes dans la filière. À ce titre, il a souligné le rôle moteur que joue le syndicat dans la diffusion d’informations accessibles aux travailleurs, grâce notamment à la caravane des vendanges, aux tracts traduits en sept langues, ainsi qu’aux actions de solidarité menées à la gare d’Épernay auprès de travailleurs laissés sans solution de logement ni de nourriture.

Sur le fond, il a insisté sur plusieurs exigences centrales. D’abord, il a défendu la nécessité de faire appliquer une seule convention collective à l’ensemble des travailleurs du secteur, afin de clarifier les droits et garantir un socle commun à tous les salariés de la viticulture. Il a ensuite demandé l’interdiction du travail à la tâche, qu’il considère incompatible avec le respect de la santé des travailleurs, en particulier dans les conditions difficiles des vendanges en cas de fortes chaleurs. Il a également plaidé pour l’application du récent décret encadrant le travail en cas de fortes chaleurs, permettant d’adapter les horaires de travail, de suspendre les activités en cas de risques sanitaires liés à la chaleur, et de garantir un accès permanent à l’eau potable, à l’ombre et au repos.

Philippe Cothenet a par ailleurs mis en cause le rôle de certaines sociétés-écrans éphémères, créées de manière opportuniste pour fournir de la main-d’œuvre tout en échappant aux responsabilités légales. Il a jugé indispensable de renforcer la traçabilité et les contrôles sur ces structures. Il a aussi réaffirmé que les donneurs d’ordre, qu’il s’agisse de vignerons ou de maisons de Champagne, doivent être considérés comme coresponsables lorsque des violations graves sont commises par leurs sous-traitants. Il a conclu en affirmant que l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement devait prendre pleinement en compte les conditions dans lesquelles se déroulent les vendanges, en particulier s’agissant du respect des droits humains, soulignant que cet enjeu engageait directement la crédibilité éthique de toute la filière Champagne.

Noël Sainzelle : renforcer la sensibilisation des employeurs

Noël Sainzelle, membre de la délégation CGT Champagne, est intervenu en tant que syndicaliste mais aussi en tant que viticulteur. Il a mis en lumière les limites de la communication sur les droits et obligations des employeurs dans la filière, notamment en matière de recours à la sous-traitance. S’il a reconnu l’existence de supports de qualité comme le guide et sa série de livrets « Ensemble pour les vendanges », il a déploré que ces documents soient souvent mal connus ou pas lus par les professionnels. Il a ainsi proposé l’envoi de courriers nominatifs rappelant l’existence de ces guides, afin que tous les acteurs prennent connaissances des obligations juridiques liées au recours à des prestataires, et les risques encourus en cas de manquements.

Selon lui, une partie des viticulteurs, en particulier les plus petits exploitants, continue de penser que le prestataire assume seul la totalité des obligations sociales. Il a souligné la nécessité de faire passer un message clair : même en cas de sous-traitance, l’employeur reste responsable de vérifier que les droits des travailleurs sont respectés. À ses yeux, un effort de pédagogie équivalent à celui déployé pour des sujets comme la flavescence dorée est indispensable.

Il a ensuite dénoncé une inégalité dans l’application des règles, en relevant que les grandes maisons bénéficient de dérogations plus souples que les vignerons et surtout que les prestataires, alors même que ce sont ces derniers qui logent le plus grand nombre de salariés. Il a jugé cette situation incohérente et a appelé à une harmonisation des contraintes réglementaires.

À propos du décret sur les fortes chaleurs, récemment publié, il a salué l’avancée mais a exprimé le souhait qu’il soit intégré aux conventions collectives. Pour lui, cette intégration permettrait d’en assurer l’application effective et durable, à l’image de ce qui a déjà été réalisé en matière d’hébergement.

Plus largement, il a réaffirmé l’importance de créer un espace de dialogue pérenne sur les enjeux sociaux dans la filière. Considérant que les réunions ponctuelles ne permettent pas de traiter durablement les enjeux sociaux de la filière, il a proposé d’élargir l’observatoire économique du Comité Champagne à un volet social, afin de rassembler l’ensemble des acteurs autour de problématiques concrètes telles que les conditions de travail, l’emploi, le recours à la sous-traitance et l’évolution du métier.

Enfin, Noël Sainzelle a tenu à saluer les efforts déjà engagés par certaines grandes maisons et exploitations viticoles, notamment en matière de rénovation des vendangeoirs et d’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Il a estimé que ces démarches allaient dans le bon sens, mais que les maisons devaient également s’interroger sur les conditions dans lesquelles sont récoltés les raisins qu’elles achètent, notamment lorsqu’ils proviennent de livreurs tiers ou de coopératives. Il a insisté sur la nécessité de s’assurer que, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les droits humains soient respectés, y compris dans les situations où les maisons ne sont pas directement employeurs.

Une volonté partagée de poursuivre les échanges

En conclusion de la réunion, le préfet Henri Prévost a salué la qualité des échanges menés entre les différentes parties prenantes. Il a souligné le caractère constructif des interventions et la volonté partagée de faire progresser collectivement l’encadrement des vendanges. Il a insisté sur l’importance de poursuivre ce dialogue dans un cadre régulier et structuré, afin d’aborder ensemble les enjeux économiques, sociaux et humains qui traversent la filière Champagne. Cette approche concertée, selon lui, constitue le socle d’une filière plus exemplaire et plus responsable.