Quand les profits explosent, le Smic, lui, reste à l’arrêt. Une réalité vécue par des millions de salariés © IA CGT champagne

✍️Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 17 décembre 2025

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Au 1er janvier 2026, le Smic sera revalorisé de 1,18 %. Une hausse strictement automatique, sans aucun coup de pouce politique, comme c’est le cas depuis plus de treize ans. Derrière ce chiffre apparemment neutre se cache une réalité sociale brutale : des millions de salariés voient leur pouvoir d’achat s’éroder, pendant que le débat public continue d’agiter des peurs infondées sur l’emploi et la compétitivité. Décryptage, chiffres à l’appui, et rappel des revendications portées de longue date par la CGT.

Une hausse mécanique qui ne répond pas à la crise du pouvoir d’achat

La publication officielle de la revalorisation du Smic au 1er janvier 2026 confirme une trajectoire désormais bien connue. Le salaire minimum interprofessionnel de croissance augmentera de 1,18 %, conformément à la formule légale, pour atteindre 1 823,03 euros brut mensuels, soit environ 1 443 euros net pour un temps plein. Cette hausse ne résulte d’aucune décision politique volontaire : elle applique mécaniquement l’évolution des prix pour les 20 % des ménages les plus modestes et une fraction de l’évolution des salaires ouvriers et employés

Autrement dit, le Smic ne progresse pas réellement. Il se contente de limiter la casse. Et encore, imparfaitement.

Treize ans sans coup de pouce : une exception devenue règle

Le dernier coup de pouce au Smic remonte à juillet 2012. Depuis, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a pris la décision politique d’aller au-delà de la stricte indexation légale. Pour la dix-septième année consécutive, le groupe d’experts chargé de conseiller le gouvernement recommande de ne rien faire de plus. Une constance remarquable, mais lourde de conséquences sociales

Cette absence de volontarisme n’est pas neutre. Elle a progressivement vidé le Smic de l’une de ses fonctions essentielles : garantir un niveau de vie décent aux travailleurs. Si la revalorisation automatique permet de suivre l’inflation sur le papier, elle ne compense ni l’explosion des dépenses contraintes (logement, énergie, transports, alimentation), ni le décrochage historique entre salaires et richesse produite.

Plusieurs travaux économiques montrent que, sur le long terme, le Smic progresse moins vite que la productivité et que la valeur ajoutée créée dans le pays. Ce décrochage se traduit concrètement par une perte de pouvoir d’achat relative, année après année, pour celles et ceux qui vivent du salaire minimum.

Le mythe persistant de l’emploi menacé

À chaque débat sur une augmentation plus franche du Smic, les mêmes arguments ressurgissent : destruction d’emplois, perte de compétitivité, fragilisation des entreprises. Ces affirmations, largement reprises dans le débat public, sont pourtant de plus en plus contestées par les faits.

L’article d’Alternatives Économiques rappelle que de nombreuses études récentes concluent à des effets très faibles, voire inexistants, des hausses du salaire minimum sur l’emploi. Les expériences étrangères sont particulièrement éclairantes : l’Allemagne, l’Espagne ou le Royaume-Uni ont procédé à des augmentations substantielles de leur salaire minimum tout en réduisant leur chômage

En France même, les simulations économiques montrent qu’une hausse significative du Smic aurait un impact limité sur les coûts de production. Une augmentation de 14 %, correspondant à un Smic net autour de 1 600 euros, se traduirait par une hausse moyenne des coûts de production de l’ordre de 0,6 % dans les secteurs les plus concernés. Un niveau absorbable dans une économie où les marges des entreprises restent élevées.

Compétitivité : un faux débat pour masquer le partage de la valeur

L’argument de la compétitivité internationale est lui aussi largement surévalué. Les secteurs exposés à la concurrence mondiale sont rarement ceux qui emploient massivement des salariés au Smic. À l’inverse, les secteurs à bas salaires sont souvent tournés vers le marché intérieur, peu délocalisables, et fortement dépendants de la consommation des ménages.

Or, la consommation représente près de la moitié du PIB français. Geler les salaires, et en particulier le Smic, revient à affaiblir le moteur principal de l’économie. À l’inverse, augmenter les salaires, c’est soutenir l’activité, les recettes fiscales et la protection sociale.

Le paradoxe est frappant : les exonérations de cotisations sociales sont indexées sur le Smic, coûtant chaque année entre 75 et 80 milliards d’euros aux finances publiques, mais les salaires eux-mêmes ne bénéficient d’aucune indexation équivalente. Ce système entretient des trappes à bas salaires, incitant certaines entreprises à organiser leur modèle économique autour de la modération salariale

Un Smic trop bas pour vivre dignement

La France est la deuxième économie de l’Union européenne, mais son Smic ne figure qu’au sixième rang européen. Aujourd’hui, un salarié payé au Smic perçoit environ 1 426 euros net par mois. Ce niveau est insuffisant pour faire face aux dépenses courantes dans de nombreux territoires, en particulier pour les familles monoparentales, les jeunes travailleurs ou les femmes, surreprésentées dans les emplois à bas salaires.

La CGT rappelle que le Smic doit remplir pleinement sa fonction légale : garantir le maintien du niveau de vie et participer au développement économique de la nation. C’est pourquoi elle revendique un Smic à 2 000 euros brut par mois, seuil en dessous duquel il devient objectivement difficile de vivre dignement de son travail

La confédération propose également une réforme du mode d’indexation, en s’appuyant sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), plus représentatif des dépenses réelles des ménages. Selon les calculs présentés, si le Smic avait été indexé sur cet indice, il atteindrait près de 1 900 euros brut, soit près de 200 euros de plus que le niveau actuel.

Le tassement généralisé des salaires

L’absence de coup de pouce au Smic ne concerne pas seulement les smicards. Elle tire l’ensemble des grilles salariales vers le bas. Aujourd’hui, dix-neuf branches professionnelles, dont celle du champagne, représentant plus d’un million de salariés, affichent des minima conventionnels inférieurs au Smic. Les négociations salariales se réduisent souvent à des mises en conformité tardives, sans réelle revalorisation des qualifications.

Ce tassement généralisé alimente un sentiment d’injustice sociale et contribue à la crise démocratique. Travailler à temps plein ne garantit plus de vivre correctement. C’est ce constat, partagé par des millions de salariés, qui nourrit la colère sociale et les mobilisations récurrentes autour de la question salariale.

Augmenter le Smic, un choix politique

Contrairement au discours dominant, la question du Smic n’est pas une fatalité économique, mais un choix politique. Les marges existent. Les études le montrent. Les expériences étrangères le confirment. Refuser tout coup de pouce depuis plus d’une décennie revient à faire porter l’ajustement économique sur les travailleurs les plus modestes, tout en subventionnant massivement les bas salaires via les exonérations.

Pour la CGT, l’urgence est claire : augmenter le Smic, revaloriser l’ensemble des salaires, sortir des trappes à bas revenus et remettre le travail au cœur du partage de la richesse. Sans cela, la hausse mécanique du 1er janvier 2026 restera ce qu’elle est aujourd’hui : un minimum légal, très loin d’un salaire digne.

Télécharger l’article : Smic au 01 janvier 2026 : encore une année sans coup de pouce…

Sources

– Alternatives-Economiques, décembre 2025 : « Est-ce qu’augmenter le Smic détruirait des emplois et nuirait à la compétitivité ? »,

– info.gouv.fr, décembre 2025 : « Le SMIC revalorisé au 1er janvier 2026 »

– CGT, novembre 2025 : « C’est l’heure d’augmenter le Smic… et tous les salaires »,