En plein cœur de l’été, le gouvernement annonce la suppression de deux jours fériés. Une attaque contre la mémoire, les droits sociaux, et la dignité des travailleurs. © FRANCK DELHOMME / MAXPPP
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 21 juillet 2025
⏱️Temps de lecture 5 minutes
Le gouvernement Bayrou prépare une nouvelle offensive contre le monde du travail : supprimer deux jours fériés pour soi-disant relancer la production. Derrière cette annonce se cache une réalité brutale : celle d’une société où l’on pousse toujours plus les salariés à travailler gratuitement pendant que les plus riches sont une fois de plus épargnés. Retour sur une mesure injuste, inefficace, et profondément idéologique que la CGT entend combattre avec la plus grande détermination.
▶️ La vidéo complète de l’interview de Sophie Binet est disponible en bas de cette page.
Une double peine pour les salariés, une triple peine pour les droits sociaux
Ce qui se joue derrière la suppression annoncée du lundi de Pâques et du 8 mai, ce n’est pas une simple révision du calendrier. C’est une attaque symbolique et concrète contre les conquêtes sociales. Comme l’a dénoncé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, ce projet revient à imposer à toutes et tous deux jours de travail gratuits par an, soit près de trois mois sur une carrière entière. Une « mini-réforme des retraites » déguisée, dont le but réel est de faire payer encore une fois les travailleuses et les travailleurs pour une crise dont ils ne sont pas responsables.
Car cette proposition intervient dans un contexte plus large, celui d’un plan d’austérité inédit porté par le Premier ministre et validé par le chef de l’État. Une « année noire pour le monde du travail », comme l’a dénoncé la CGT dans une prise de position sans ambiguïté : gel des pensions et des prestations sociales, suppression de 3 000 postes de fonctionnaires, braderie du patrimoine public, nouveau tour de vis contre les chômeurs, et remise en cause du droit du travail par ordonnance.
Un argumentaire gouvernemental truffé de contre-vérités
Pour justifier cette mesure profondément impopulaire, François Bayrou et ses ministres dégainent une vieille rengaine : les Français travailleraient moins que les Allemands. Sauf que cette comparaison, répétée en boucle sur les plateaux télé, est largement fausse. Selon l’OCDE, les travailleurs français ont travaillé en moyenne 154 heures de plus que les Allemands en 2023. Même Rexecode, pourtant proche du patronat, admet que si l’on prend en compte tous les types de contrats, la France devance l’Allemagne en nombre d’heures travaillées.
Pire encore, le gouvernement oublie volontairement que la France est déjà sous la moyenne européenne en nombre de jours fériés : 11 contre 11,7. Dans certains pays comme Chypre ou l’Espagne, les salariés bénéficient de 14 ou 15 jours fériés. Supprimer des jours de repos ne ferait donc que creuser l’écart en défaveur des salariés français.
Une mesure inefficace, voire contre-productive
L’argument économique ne tient pas davantage. Les experts sont formels : supprimer deux jours fériés n’aura qu’un impact marginal sur la croissance. Selon l’Insee, un jour ouvré supplémentaire représente seulement 0,06 point de PIB, soit sept fois moins que ce qu’en attend le gouvernement. D’autant que près d’un tiers des salariés travaillent déjà pendant les jours fériés, notamment dans le commerce, la restauration ou les services publics.
Comme le souligne l’OFCE, le vrai frein à la production n’est pas le nombre de jours fériés mais la faiblesse de la demande. Et avec l’austérité généralisée en préparation, les ménages auront encore moins de moyens pour consommer. Travailler plus pour produire plus ne sert à rien quand les gens n’ont plus les moyens d’acheter.
Une attaque symbolique lourde de sens
La suppression du 8 mai, jour de la victoire contre le nazisme, a choqué jusqu’aux plus modérés. Alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir en France comme ailleurs, ce choix est un affront à notre histoire. Le Parti communiste a dénoncé une « infamie » et lancé une pétition pour défendre cette date fondatrice. Sophie Binet l’a rappelé avec force : toucher au 8 mai, c’est toucher à un pilier de notre mémoire collective.
Et pendant ce temps, le gouvernement soutient l’ouverture des commerces le 1er mai, seul jour férié et chômé prévu par le Code du travail. Un million et demi de salarié·es pourraient ainsi perdre un troisième jour de congé sans contrepartie. Voilà le vrai visage de cette réforme : une régression sociale déguisée en mesure budgétaire.
Des alternatives ignorées sciemment
Pourquoi ne pas plutôt remettre en cause les 211 milliards d’aides publiques versées chaque année aux entreprises sans aucune contrepartie ? Pourquoi refuser d’appliquer la taxe votée à l’Assemblée sur les ultra-riches, qui pourrait rapporter 20 milliards par an ? Pourquoi continuer à préserver les dividendes des actionnaires quand les services publics s’effondrent ?
Parce que le gouvernement reste prisonnier d’un dogme : la politique de l’offre. Une politique qui a échoué sur toute la ligne : les usines ferment, les déficits explosent, et les inégalités atteignent des niveaux records. Et pourtant, on continue. Encore et toujours, sur le dos des mêmes.
L’heure de la riposte sociale
Sophie Binet l’a affirmé clairement sur RTL : la CGT ne laissera pas passer cette attaque. La mobilisation se prépare, dans les entreprises, dans les rues, dès la rentrée. L’objectif est clair : empêcher ces mesures de rentrer en vigueur, comme cela avait été fait l’an dernier avec les trois jours de carence et le gel des pensions finalement abandonnés sous la pression.
La CGT appelle les travailleurs à se syndiquer, à s’organiser, à se lever contre cette politique du pire. Travailler plus pour gagner moins, c’est non. Supprimer nos jours fériés, c’est non. Faire payer les plus pauvres pendant qu’on épargne les plus riches, c’est non.
Ce gouvernement est en train de tourner le dos à la justice sociale, à la mémoire collective, et à l’avenir du pays. À nous de le lui rappeler, partout, ensemble.
Sources :
- La CGT – Année noire pour le monde du travail
- L’Humanité – Deux jours fériés supprimés, sans doute trois pour certains, 18 juillet 2025
- Libération – Suppression de deux jours fériés : les Français travaillent-ils 100 heures de moins que les Allemands ?
- Alternatives économiques – Travailler plus sans gagner plus, 18 juillet 2025