Volonté d’augmenter le pouvoir d’achat d’une part, craintes sur l’avenir de l’audiovisuel public de l’autre : la suppression de la redevance est désormais actée mais ses opposants ne désarment pas et comptent se mobiliser à la rentrée.

> Pourquoi la redevance est-elle supprimée ?

Avant sa réélection, le président-candidat Emmanuel Macron avait annoncé la suppression prochaine de la contribution à l’audiovisuel public (vrai nom de la redevance) pour « redonner du pouvoir d’achat » aux Français.

Cette suppression est désormais effective après l’adoption définitive par le Parlement du projet de budget rectifié pour 2022.

Jusque-là, la redevance était payée tous les ans, en même temps que la taxe d’habitation, elle aussi déjà supprimée pour une majorité de Français et bientôt pour tous.

Elle se montait jusqu’à présent à 138 euros en métropole et 88 euros outre-mer et ne concernait que les foyers qui détiennent un téléviseur : les autres ne la payaient pas, même s’ils regardaient des programmes sur ordinateur, tablette ou smartphone. C’est pourquoi même ses partisans jugeaient le système actuel obsolète.

Pour l’année en cours, elle a rapporté 3,2 milliards d’euros, pour un total de 3,8 milliards versés à l’audiovisuel public : l’État a ajouté 600 millions d’euros pour compenser le non-paiement de la redevance par les ménages les plus modestes.

> À quoi servait-elle ?

Créée en 1933 (elle concernait à l’époque les postes de radio), la redevance était jusqu’ici la principale source de financement de l’audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde (France 24 et RFI), TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel.

Une ressource devenue d’autant plus stratégique depuis la suppression de la publicité en soirée, puis dans les programmes pour enfants, sur les chaînes du service public.

Depuis 2018, l’exécutif a demandé à l’audiovisuel public de couper dans ses dépenses tout en réduisant régulièrement sa contribution. La redevance rapporte ainsi cette année 2,4 milliards d’euros à France Télévisions, sur un budget total d’environ 2,8 milliards.

Sa suppression a donc suscité des craintes chez les syndicats et les salariés.

Le 28 juin, les radios et télés publiques ont mené une grève largement suivie. Et leurs syndicats promettent d’autres actions pour la rentrée.

> Par quoi la remplacer ?

Le gouvernement l’assure : en mettant fin à la redevance, c’est uniquement un outil qu’il supprime et non le financement lui-même. Selon le nouveau système approuvé par le Parlement, une part de la TVA (environ 3,7 milliards d’euros) sera désormais affectée au financement de l’audiovisuel public, en lieu et place de la redevance, jusqu’à la fin 2024.

Ce mécanisme de transition avait été proposé en juillet par un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac), en attendant un système pérenne.

La question du mécanisme est importante : les opposants à la suppression de la redevance craignent que l’audiovisuel public perde de son indépendance en étant soumis aux aléas budgétaires décidés par l’État.

Pour calmer ces craintes, le gouvernement envisage de créer une commission chargée de superviser les financements de l’audiovisuel public.

Par ailleurs, le rapport IGF/Igac préconise des garde-fous pour empêcher toute modification de ressources en cours d’année.

Selon ce rapport, la réforme doit s’accompagner de « garanties accrues pour l’indépendance de l’audiovisuel public », sous peine d’être retoquée par le Conseil constitutionnel.

Mais, derrière le débat sur le financement, apparaît en filigrane la question de l’organisation future de l’audiovisuel public.

Début juin, un rapport sénatorial LR a même fait une proposition choc : une grande fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA.

« Est-ce qu’il y a des synergies qui peuvent être renforcées sans pour autant passer par une fusion des entreprises ? Toutes ces questions doivent être débattues », a commenté la ministre de la Culture Rima Abdul Malak fin juin, devant les sénateurs.

> Comment font les autres pays ?

Selon un rapport parlementaire de 2021, le montant de la redevance en France « apparaît particulièrement faible par rapport à nos voisins ».

Elle est en effet « de 251 à 320 euros selon les régions » en Autriche, de 312 euros en Suisse, de 220 euros en Allemagne ou de 181 euros au Royaume-Uni, selon ce rapport mené par la députée LREM Céline Calvez.

Si on rapporte le financement des médias publics au nombre d’habitants, la France est au 14e rang européen. En valeur absolue, la France est au 3e rang européen : avec 4,1 milliards en 2019, elle arrive loin derrière l’Allemagne (9,5 milliards) et le Royaume-Uni (6,9 milliards).