« Depuis 2017, des sociétés bulgares détachaient frauduleusement de la main- d’œuvre sous-payée, principalement au moment des vendanges en Champagne. »

Le 15 septembre dernier, en pleine période de vendanges, une vaste opération judiciaire avait été menée dans le milieu viticole dans la Marne (notamment à Oiry), l’Aisne, et l’Aube par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille. La procédure ouverte porte sur des infractions au travail illégal et blanchiment commis en bande organisée.

« Depuis 2017, des sociétés bulgares détachaient frauduleusement de la main- d’œuvre sous-payée, principalement au moment des vendanges en Champagne, déclare la procureure de la République de Lille Carole Etienne, dans un communiqué ce vendredi 24 septembre.

En relation avec des ressortissants français, elles mettaient chaque année à disposition entre 350 et 500 travailleurs bulgares auprès de prestataires viticoles ou de vignerons, pour un coût attractif. »

Lors des investigations, il a été découvert que ces sociétés ne payaient pas les cotisations sociales obligatoires, ce qui leur permettait de proposer des tarifs très bas et de dégager d’importants bénéfices. « La fraude sociale est d’ores et déjà estimée à plusieurs millions d’euros », précise la procureure de Lille.

Il y a dix jours, près de 130 militaires ont été mobilisés. Dix personnes ont été placées en garde à vue, et sept autres ont été entendus librement. Des vendangeurs bulgares ont été entendus en qualité de victimes de ce système d’exploitation et de fraude. Huit personnes ont été mises en examen par le juge d’instruction du Jirs de Lille, trois placées en détention provisoire et cinq autres sont sous contrôle judiciaire.

La fraude estimée à « plusieurs millions d’euros »

L’intersyndicat CGT du champagne rappelle que les donneurs d’ordres, à savoir les viticulteurs et les maisons de champagne, ont également leur responsabilité d’engagée au titre de leur l’obligation de vigilance et de diligence vis-à-vis de l’URSSAF (voir encadré ci-dessous). 

Mais déjà, lors de la vendange 2018, à Oiry, des sous-traitants d’une grande maison de champagne avaient employé illégalement et exploité une centaine de saisonniers les traitants de manière humaine, sans que les donneurs d’ordres de cette prestigieuse maison de champagne ne fassent l’objet de poursuites. 

Alors pourquoi la justice à t’elle deux poids, deux mesures dans ses affaires d’exploitation d’êtres humains et de fraudes sociales ?

Poursuivre non seulement les prestataires de service, mais également les donneurs d’ordres au titre du non-respect de leur devoir de vigilance vis-à-vis de l’URSSAF permettrait sans aucun doute d’éviter ce genre de scandales récurrents.

Obligation de vigilance : les donneurs d’ordre ayant recours à un cocontractant (sous-traitant, prestataires divers…) doivent exiger :

  • un document attestant de son immatriculation (extrait K bis ou carte répertoire des métiers) ;
  • une attestation de vigilance, délivrée par l’Urssaf, qui mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations que votre cocontractant a déclaré lors de sa dernière échéance. Ce document atteste également de son respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales.

A défaut de procéder à cette injonction, les donneurs d’ordre sont solidairement tenu de régler les impôts, taxes, cotisations de Sécurité sociale, rémunérations et autres charges de leur cocontractant, si celui-ci a eu recours au travail dissimulé.

De plus, lorsque les donneurs d’ordre, n’accomplissent pas leurs obligations en matière de vigilance, l’Urssaf annule les exonérations et réductions de cotisations applicables à ses salariés sur toute la période pendant laquelle la situation de travail dissimulé a perduré.

L’annulation des réductions et des exonérations s’exerce dans les mêmes conditions que celles applicables aux employeurs ayant eux-mêmes directement recouru au travail dissimulé.

Obligation de diligence : si, les professionnels en situation de donneurs d’ordre, sont informés (notamment par l’Urssaf) du manquement d’un de ses sous-traitants à ses obligations de déclaration des cotisations, ils doivent aussitôt enjoindre leur cocontractant de faire cesser, sans délai, cette situation, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Bon à savoir.
A la différence des annulations applicables à l’auteur de l’infraction, les annulations visant les donneurs d’ordre non vigilants, les maîtres d’ouvrage ou les donneurs d’ordre non diligents sont plafonnées à :

  • 15 000 € pour une personne physique ;
  • 75 000 € pour une personne morale.

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