Châlons-en-Champagne, octobre 2025 : Au retour d’expérience des vendanges, la CGT Champagne souligne les avancées obtenues et réaffirme sa vigilance pour l’avenir. © Nicolas Janberg

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 24 octobre 2025

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Pour la première fois depuis longtemps, la délégation CGT Champagne a quitté la préfecture avec le sentiment que les choses bougent réellement. Lors du retour d’expérience (RETEX) sur les vendanges 2025, la mobilisation syndicale a trouvé un écho : pouvoirs publics, interprofession et syndicat des prestataires semblent enfin décidés à écouter la voix des travailleurs. Les avancées sont là, mais la lutte contre les dérives de la sous-traitance reste entière.

Châlons-en-Champagne, 17 octobre 2025 : des progrès concrets sur le terrain

La vendange 2025 s’est déroulée dans de bonnes conditions climatiques, mais surtout sous une vigilance inédite. Les effectifs de l’inspection du travail ont été renforcés, les contrôles quotidiens multipliés, et les forces de sécurité mobilisées sur l’ensemble du département. Résultat : 177 contrôles effectués, 11 fermetures administratives d’hébergements indignes, et, fait nouveau, un relogement systématique des saisonniers concernés, assuré par les employeurs avec l’appui de structures locales.

Pour la CGT, ces résultats ne sont pas le fruit du hasard mais la conséquence directe des alertes syndicales répétées depuis plusieurs années. Les pouvoirs publics ont fini par comprendre qu’aucune vendange ne peut se dérouler dignement si les travailleurs sont logés dans des campements de fortune ou des hôtels insalubres.

Hébergement et attractivité : l’enjeu majeur

Tous les acteurs en conviennent : l’hébergement est le talon d’Achille des vendanges. Accueillir près de 100 000 saisonniers en quelques jours exige des solutions structurelles, et non des bricolages illégaux. La CGT a réaffirmé sa proposition de créer des maisons de saisonniers dans les communes viticoles, financées par les collectivités et Action Logement. Ces structures offriraient des logements dignes et stables, permettant de fidéliser la main-d’œuvre locale et d’éviter les trajets épuisants de plusieurs heures chaque jour.

À l’inverse, les images de saisonniers dormant encore sous les halles d’Épernay, sous les caméras de la police municipale, rappellent que la bataille est loin d’être gagnée. Ces scènes sont indignes de la Champagne et nuisent gravement à son image internationale.

Recrutement local et prévention : un travail à poursuivre

Au-delà de l’hébergement, la question du recrutement local a été largement évoquée. France Travail, associé aux établissements scolaires et aux associations, a multiplié les partenariats pour favoriser l’embauche de jeunes et de saisonniers de proximité. Le club de prévention a également joué un rôle actif, en mobilisant des relais dans les quartiers populaires et en accompagnant les travailleurs les plus fragiles.

Mais ces efforts doivent être prolongés par un véritable engagement des vignerons eux-mêmes. Beaucoup ont délégué entièrement cette responsabilité à des prestataires, perdant ainsi le lien direct avec leurs vendangeurs. La CGT appelle à ce que les vignerons réinvestissent dans l’accueil et l’hébergement de leurs équipes, comme cela se faisait traditionnellement, afin de fidéliser les travailleurs et de réenchanter les vendanges. Offrir des repas conviviaux, recréer une ambiance festive, valoriser le rôle social et humain de cette période, ce sont autant de leviers pour attirer de nouveau des vendangeurs locaux et assurer une meilleure pérennité du recrutement.

La sous-traitance en cascade : un mal systémique

Si les contrôles ont permis de freiner certaines dérives, la CGT dénonce la persistance d’un système opaque et parfois mafieux. Dans plusieurs cas, des travailleurs étrangers se voient ponctionner jusqu’à 30 % de leur salaire par des intermédiaires, sous peine de ne pas être rappelés la saison suivante. Derrière ces pratiques se cache une sous-traitance en cascade qui dilue les responsabilités et fragilise les plus vulnérables.

Ce phénomène n’est pas propre à la Champagne : il traverse tous les secteurs où la sous-traitance est devenue un modèle économique. Aux JO de Paris 2024, des ouvriers sans-papiers exploités ont bâti le village olympique dans la crainte constante des contrôles.

Dans l’agriculture française, la traite des êtres humains bat son plein, profitant d’une main-d’œuvre fragile et surexploité. A niveau Européen , en Espagne, les serres d’Almería incarnent un modèle à bout de souffle : exploitation des travailleurs migrants, pollution massive, opacité des circuits.

Ces exemples montrent une même logique : quand les donneurs d’ordre ne sont pas tenus pour responsables, les abus prospèrent. La Champagne ne peut échapper à cette règle.

Responsabiliser les donneurs d’ordre

La CGT Champagne a été claire : tant que seules les sociétés prestataires seront sanctionnées, les grandes maisons et vignerons qui recourent à leurs services continueront de fermer les yeux. Les syndicats exigent une responsabilité conjointe des donneurs d’ordre et des sous-traitants. C’est à ce prix que cessera l’impunité.

La proposition syndicale d’une certification sociale HVS (Haute Valeur Sociétale) va dans ce sens. Inspirée du modèle HVE (Haute Valeur Environnementale), elle permettrait de distinguer les employeurs respectant les droits sociaux, avec un marquage possible sur les bouteilles de Champagne. Une idée qui associerait l’image d’excellence du produit à la dignité des travailleurs qui le rendent possible.

Vendange 2026 : un cap à franchir

En conclusion de la réunion, la préfecture a salué la mobilisation collective qui a permis d’éviter les pires dérives cette année. Mais tous les acteurs l’ont reconnu : l’hébergement, la sous-traitance illégale et l’attractivité du travail saisonnier restent des défis prioritaires. La cellule de veille interservices sera reconduite pour 2026, et la CGT a déjà prévenu : elle restera vigilante sur le respect des engagements pris.

L’objectif est clair : faire des vendanges 2026 non seulement un succès économique, mais aussi une avancée sociale décisive, où chaque vendangeur puisse travailler dans des conditions dignes et respectées.

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