Le 16 mai 2025 à la Maison des syndicats de Reims, des parlementaires européens et français de La France Insoumise ont rencontré la CGT Champagne pour évoquer les scandales d’exploitation humaine qui entachent les vendanges en Champagne. © Maxime Chaudin- assistant parlementaire d’Anthony Smith

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 16 mai 2025

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Ce jeudi 16 mai 2025, la CGT Champagne a accueilli, au siège de son syndicat à Reims, deux parlementaires de La France Insoumise : Anthony Smith, député européen du groupe de la gauche (GUE/NGL), et Sylvain Carrière, député de l’Hérault, membre du Nouveau Front Populaire.

À l’initiative des deux élus, cette rencontre avait pour objectif d’échanger sur les graves dérives sociales et humaines observées dans la filière Champagne, en particulier lors des vendanges 2023. La CGT Champagne a présenté un état des lieux complet et a porté une série d’alertes et de propositions.

Une filière en crise sociale : suppressions d’emplois programmés et salaires au rabais

La CGT Champagne a ouvert les échanges en rappelant la vague de suppressions d’emplois annoncée récemment par le groupe LVMH, avec pas moins de 1 200 postes menacés, dont une grande partie chez Moët & Chandon, Ruinart, Veuve Clicquot et Krug. Le syndicat a dénoncé une politique de casse sociale en préparation dans un groupe qui affiche pourtant d’excellents résultats financiers, choisissant de programmer des réductions d’effectifs au détriment des salariés des plus grandes maisons de Champagne.

La CGT Champagne est également revenue sur l’échec des dernières négociations annuelles obligatoires (NAO) de branche, où les employeurs se sont contentés d’annoncer une simple recommandation patronale de 1,1 % d’augmentation générale des salaires. Une proposition en total décalage avec l’inflation moyenne de 1,8 % en 2024 selon l’INSEE, et bien en dessous de la hausse du SMIC fixée à 3,13 %. Le syndicat a dénoncé une provocation qui ne répond en rien aux attentes des salariés et qui contribue à maintenir la filière dans une spirale de smicardisation.

Les vendanges de la honte : canicule, morts et esclavagisme moderne

La CGT Champagne est revenue sur les drames de la vendange 2023, qui a coûté la vie à cinq travailleurs saisonniers, victimes de conditions de travail inhumaines en pleine canicule. Le syndicat a rappelé qu’il avait à plusieurs reprises alerté sur les risques mortels liés à l’absence de véritables mesures de protection, particulièrement pour les vendangeurs les plus vulnérables.

À ce sujet, la CGT Champagne a de nouveau dénoncé le manque total de régulation des rythmes de travail, notamment avec la généralisation du travail à la tâche, qui pousse les saisonniers à forcer jusqu’à l’épuisement. Le syndicat a réaffirmé sa revendication d’en finir avec cette pratique au profit d’un paiement à l’heure mieux rémunéré, et de mettre en place des mesures strictes pour interdire tout travail durant les heures les plus chaudes de la journée.

La CGT Champagne a revendiqué la reconnaissance du temps de transport comme temps de travail effectif pour les saisonniers, dénonçant les journées à rallonge imposées par des temps de déplacement non rémunérés et non comptabilisés.

La CGT Champagne a aussi alerté les parlementaires sur le développement de pratiques qu’elle qualifie d’esclavagisme moderne, liées au recours massif à la sous-traitance et à l’exploitation de travailleurs venus d’Europe de l’Est ou d’Afrique de l’Ouest. Le syndicat a dénoncé ces pratiques qui privent les travailleurs de leurs droits les plus élémentaires et qui organisent une précarisation massive dans les rangs des saisonniers.

Le syndicat a dénoncé les conditions d’hébergement indignes imposées à de nombreux vendangeurs, contraints de vivre dans des campements insalubres, parfois assimilables à de véritables bidonvilles, sans respect des règles élémentaires de salubrité et de dignité humaine. La CGT Champagne a rappelé son opposition totale à toute autorisation permettant d’héberger des saisonniers sous tente, une pratique qu’elle considère comme une atteinte à la dignité des travailleurs et une régression sociale inacceptable dans la filière Champagne

Le syndicat a également rappelé qu’un procès pour traite d’êtres humains est programmé le 19 juin prochain devant le tribunal de Châlons-en-Champagne. La CGT Champagne a insisté pour que toute la lumière soit faite sur les responsabilités, y compris celles des donneurs d’ordre qui, en bout de chaîne, ferment les yeux sur ces pratiques inacceptables.

Sous-traitance et dialogue confisqué : les responsabilités patronales en question

La CGT Champagne a par ailleurs dénoncé son exclusion des travaux pilotés par le Comité Champagne sur les conditions de travail des saisonniers. Le syndicat a regretté que les représentants des salariés soient tenus à l’écart des discussions en amont des réunions sous l’égide du préfet de Châlons en Champagne, alors qu’ils sont les premiers concernés et les mieux placés pour défendre les intérêts des travailleurs.

Les échanges ont également permis à la CGT Champagne de présenter les contacts établis avec la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT) et le monopole d’état des pays nordique « Systembolaget ». Le syndicat a rappelé que ce dernier menace d’interdire la commercialisation du champagne sur le marché scandinave si la filière ne prend pas des mesures concrètes pour garantir le respect des droits humains.

La CGT Champagne a ensuite insisté sur la généralisation du recours à la sous-traitance, qui ne touche plus seulement les vendanges mais l’ensemble des travaux viticoles, menaçant les emplois directs, les qualifications professionnelles et les conditions de travail dans toute la filière. Le syndicat a également dénoncé le classement du secteur en « métier en tension », un argument largement utilisé par le patronat pour justifier le recours à la main-d’œuvre étrangère, alors que cette situation est en réalité le résultat d’une stratégie d’appauvrissement des conditions d’emploi et de rémunération, organisée et assumée par le syndicat général des vignerons, rendant le métier toujours moins attractif pour les travailleurs locaux.

Le syndicat a également dénoncé le décret du 09 juillet 2024, qualifié de « décret de la mort » par l’Eurodéputé Anthony Smith, autorisant les employeurs à supprimer le repos hebdomadaire pour les saisonniers, malgré les cinq morts de l’année précédente. La CGT Champagne a dénoncé cette mesure comme une provocation scandaleuse qui aggrave encore les conditions de travail des plus précaires.

La CGT champagne invitée au parlement européen

En clôture de la réunion, le député européen Anthony Smith a invité la CGT Champagne à se rendre au Parlement européen le 8 juillet prochain à Strasbourg pour porter ses revendications au niveau européen. Le député Sylvain Carrière s’est quant à lui engagé à interpeller les parlementaires du Parti communiste français pour suivre l’avancée du projet de loi porté par André Chassaigne, visant à mieux protéger les saisonniers agricoles et à renforcer la responsabilité des donneurs d’ordre.

Les échanges ont été jugés constructifs par la CGT Champagne, qui a pu faire passer ses messages avec clarté et conviction. Le message a été clairement entendu par les deux parlementaires, et en particulier par Anthony Smith, qui connaît bien le tissu économique marnais pour y avoir exercé comme inspecteur du travail dans plusieurs secteurs du département avant d’être élu député européen. Une expérience de terrain qui lui a permis de mesurer pleinement la gravité des situations dénoncées par la CGT Champagne et l’importance d’agir pour faire respecter les droits des travailleurs.

La CGT Champagne se félicite de cette rencontre et poursuivra sans relâche son combat pour que la filière Champagne garantisse à tous les travailleurs des conditions de travail dignes et respectueuses des droits fondamentaux.