Vive la Sécu ! Une conquête sociale collective qui avance grâce à la solidarité de toutes et tous. ©Alternatives économiques

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 08 octobre 2025

⏱️Temps de lecture 7 minutes

À l’heure où la Sécurité sociale fête ses 80 ans, il est urgent de rappeler ce qu’elle a apporté, ce qu’elle représente et pourquoi elle reste indispensable. Ce n’est pas une charge, ni un fardeau, mais une conquête historique et une richesse collective qui protège chacune et chacun d’entre nous.

Alors que le MEDEF, avec la complicité du gouvernement, mais aussi bien d’autres détracteurs voudraient en réduire la portée, il nous appartient d’en rappeler la valeur, de la défendre et de la renforcer.

La Sécu, 80 ans de progrès et de solidarité

On ne fête pas tous les jours les 80 ans d’une telle institution. La Sécurité sociale, née en 1945 au sortir de la guerre, fait désormais partie du quotidien de toutes et tous.

Dès la naissance, elle prend en charge les soins et le congé maternité. Tout au long de la vie, elle rembourse les consultations médicales, les médicaments, elle garantit une pension de retraite, elle protège contre le chômage, les accidents du travail ou la maladie. Elle accompagne les familles, soutient les personnes âgées, finance la dépendance.

Mais il faut le rappeler : la Sécu, ce n’est pas un cadeau tombé du ciel, ni une faveur accordée par l’État ou le patronat. C’est nous. Ce sont nos cotisations, nos impôts, notre travail. C’est le fruit de luttes ouvrières et populaires.

En 1945, dans un pays encore meurtri par l’Occupation, les résistants réunis dans le Conseil national de la Résistance inscrivent noir sur blanc la nécessité de construire un système de protection sociale universel. L’idée est claire : plus jamais l’insécurité sociale qui avait frappé des millions de familles dans les années 1930. Plus jamais la misère, la faim, la peur du lendemain.

Ambroise Croizat, ministre du Travail et de la Sécurité sociale issu des rangs ouvriers et de la CGT, fut l’un des artisans majeurs de cette mise en œuvre. Surnommé le « ministre des travailleurs », il incarne la volonté de donner des droits nouveaux à toutes et tous, sans distinction de classe, de profession ou de statut.

Grâce à lui et à des milliers de militants de terrain, la Sécurité sociale a pris corps en quelques mois seulement : caisses locales créées partout dans le pays, collectes de cotisations, ouverture de droits pour des millions de familles. Ce fut une révolution silencieuse mais profonde : la solidarité devenait une institution. Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. La maladie, le chômage, la vieillesse ne seraient plus des drames individuels, mais des risques collectivement assumés.

Un facteur de cohésion sociale

La Sécurité sociale n’est pas seulement un mécanisme technique de remboursement. Elle est un ciment de la société. Elle réduit les incertitudes, permet de se projeter dans l’avenir, donne de la sécurité à des millions de foyers. Elle redistribue les richesses, elle corrige les inégalités, elle évite l’explosion sociale. Elle a permis à des générations entières de vivre plus longtemps, en meilleure santé, avec plus de dignité.

Et pourtant, malgré ces évidences, malgré cette histoire, la Sécu est régulièrement attaquée. Ses dépenses seraient « trop lourdes », « insoutenables », voire une « surcharge » pour l’économie. Le discours patronal, porté par le Medef et certains responsables politiques, vise toujours à la même chose : réduire les droits, diminuer les prestations, et ouvrir la voie à la privatisation.

Non, la Sécu n’est pas une charge pour l’économie

C’est un argument mille fois entendu : les cotisations sociales, financées par le travail, seraient un poids qui étoufferait la compétitivité des entreprises et empêcherait les hausses de salaires. Mais c’est faux.

En 2022, les cotisations représentaient environ 55 % du financement de la protection sociale, soit un niveau proche de la moyenne européenne et bien inférieur à celui de l’Allemagne.

C’est donc loin d’être une « anomalie française ». Surtout, la Sécu a historiquement soutenu la croissance économique. Dans les Trente Glorieuses, les dépenses sociales ont explosé : elles représentaient 5 % de la richesse nationale en 1948 et près de 30 % en 1981. Ce n’était pas un frein, mais un moteur : en soutenant la consommation, en donnant confiance aux ménages, la protection sociale a favorisé l’investissement et l’emploi.

La Sécu, loin de fragiliser l’économie, l’a stabilisée. Elle a permis d’amortir les crises, en 2009 après la faillite de Lehman Brothers comme en 2020 avec la pandémie de Covid-19. En France, le recul du PIB a été moindre que dans des pays comparables, précisément parce que le système social a joué son rôle de stabilisateur automatique.

La Sécu en quelques repères

  • 80 ans d’existence, depuis 1945
  • 500 milliards d’euros redistribués chaque année entre les Français
  • 11 % du PIB consacré directement à la protection sociale
  • 70 % : c’est la part des variations de niveau de vie neutralisées par la redistribution
  • +4 ans d’espérance de vie en France par rapport aux États-Unis, avec un système pourtant moins coûteux

Un choix de société : solidarité ou privatisation

La Sécurité sociale redistribue chaque année près de 500 milliards d’euros. Sans elle, les inégalités seraient abyssales. Avant redistribution, les revenus des plus riches sont dix-huit fois supérieurs à ceux des plus pauvres ; après transferts sociaux, l’écart est réduit à trois fois. Voilà le véritable rôle de la Sécu : réduire les fractures sociales et donner à chacun une chance d’avancer dans la vie.

À l’inverse, fragiliser la Sécu, c’est accroître la pauvreté, renforcer les inégalités et ouvrir un boulevard aux assureurs privés. Or, l’expérience internationale le prouve : le privé coûte plus cher et protège moins bien. Aux États-Unis, les dépenses de santé représentent 16,5 % du PIB contre 11,8 % en France, pour une espérance de vie inférieure de quatre ans. Là-bas, des millions de personnes n’ont pas accès aux soins, faute d’assurance. Ici, malgré les difficultés, personne n’est censé rester au bord du chemin.

La Sécu, un investissement pour l’avenir

La Sécurité sociale n’est pas seulement une réparation après coup. C’est aussi un investissement. En préservant la santé des travailleurs, elle favorise la productivité. En finançant les crèches, les allocations familiales ou l’accompagnement du grand âge, elle soutient directement des secteurs entiers de l’économie. Elle représente à elle seule près de 11 % du PIB, bien au-delà d’une logique de « coût ».

Mieux : la Sécu coûte moins cher à gérer que le privé. En France, les frais de gestion représentent environ 5 % des dépenses de santé, contre près de 8 % aux États-Unis. Dans les pays où l’assurance maladie est entièrement publique, comme en Finlande, ce chiffre tombe même sous les 1 %. Mutualiser, c’est économiser.

Des attaques contemporaines qui fragilisent la Sécu

Mais si la Sécurité sociale tient encore debout, elle est fragilisée par des politiques menées depuis des décennies. Les exonérations de cotisations patronales (Prime Macron, PPV…), souvent présentées comme un levier pour « l’emploi », représentent chaque année des dizaines de milliards d’euros de manque à gagner. La plupart du temps, elles ne sont pas compensées par l’État, ce qui vide les caisses de la Sécu et organise son déficit artificiel. À cela s’ajoutent les réformes des retraites, qui allongent la durée de travail et réduisent les droits. Les hôpitaux publics, eux, sont étranglés par les fermetures de lits, la pénurie de personnels, la logique comptable qui détruit l’hôpital au nom des économies. Les déserts médicaux s’étendent. Les urgences saturent. Le même scénario se répète : réduire les moyens de la Sécu, pointer ensuite son « inefficacité », et proposer comme solution… le privé.

Cette stratégie n’est pas nouvelle. Elle vise à transformer un droit universel en marché rentable. Mais à chaque fois que la Sécu recule, c’est la population qui paie : augmentation des restes à charge, inégalités d’accès aux soins, recul des pensions, angoisse sociale. Les plus modestes en sont les premières victimes, pendant que les assureurs et les fonds de pension engrangent des bénéfices.

Défendre et renforcer la Sécurité sociale

Il est donc temps de remettre les choses au clair. Non, la Sécu n’est pas un poids, c’est une richesse. Non, la Sécu n’est pas une anomalie, c’est un modèle social envié dans le monde entier. Non, la Sécu n’est pas un fardeau pour l’économie, c’est un moteur de croissance, de justice et de dignité. Mais elle n’est pas éternelle.

Chaque réforme qui réduit ses ressources, chaque exonération de cotisations sociales non compensée, chaque discours culpabilisant sur son « coût » fragilise son avenir. La privatisation rampante, au profit des mutuelles et des assurances, avance pas à pas.

Si nous voulons préserver ce bien commun, il faut la défendre pied à pied, rappeler sans cesse sa valeur, exiger qu’elle soit financée correctement et qu’elle reste universelle.

Un combat toujours d’actualité

La Sécurité sociale a 80 ans. Elle est née de la guerre et des luttes, elle a traversé les crises, elle a protégé des générations entières. Elle est notre assurance collective contre les risques de la vie, notre garantie d’égalité, notre ciment social.

La question qui se pose aujourd’hui n’est pas : peut-on encore la financer ? La vraie question est : veut-on continuer à vivre dans une société où la solidarité prime sur la loi du plus fort, où la santé, la retraite, la famille, le chômage sont des droits et non des privilèges ?

Nous avons un choix à faire. Soit nous laissons la Sécurité sociale se déliter et devenir un marché livré aux assureurs. Soit nous la défendons, nous l’étendons, nous la renforçons. Car la Sécu, ce n’est pas seulement un héritage : c’est un combat toujours actuel. Et c’est à nous toutes et tous de le mener.

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