Société champagne Didier Chopin à Champlat-et-Boujacourt dans la Marne. © ABC Salles

Dans cet article du journal l’Union publié, le 23 mai 2024, Guillaume Lévy, informe les lecteurs qu’après avoir été soupçonné pour avoir élaboré 2 millions de bouteilles de faux champagne, Didier Chopin, exploitant viticole et négociant en vin de champagne à Champlat-et-Boujacourt dans la Marne, est sous le coup d’une enquête pour des faits de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et de viol sur plusieurs anciennes salariées.

Suite aux scandales éclatés lors de la vendange de la honte en septembre 2023, « l’affaire Chopin » vient ajouter caillou de plus dans la chaussure de la filière…

Le siège de la société Chopin, à Champlat-et-Boujacourt (Marne), liquidée en avril. © photo L’Union

Installé au Maroc depuis l’éclatement de l’affaire présumée de faux champagne, Didier Chopin est désormais mis en cause au pénal : dix victimes, dont plusieurs anciennes salariées, ont dénoncé des faits de harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol.  

LES FAITS

DIDIER CHOPIN, un vigneron marnais, est accusé d’avoir écoulé presque 2 millions de bouteilles de faux champagne, concocté à partir de vins d’Espagne et d’Ardèche et de gaz carbonique.

Il employait une quinzaine de personnes à Champlat-et-Boujacourt, dans la Marne (siège de l’entreprise), et à Billy-sur-Aisne, près de Soissons (société de fabrication de vins d’apéritif).

LES SIX SOCIÉTÉS de Didier Chopin (dont la holding) ont toutes été placées, en avril, en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Reims. Le passif s’élève à 16 millions d’euros.

Didier Chopin est désormais installé au Maroc où il a créé une entreprise de production de fruits et légumes.

Les presque deux millions de bouteilles de « champagne » élaboré à partir de vins d’Ardèche et d’Espagne et de gaz carbonique, ont défrayé la chronique ces derniers mois, depuis la révélation de l’affaire dans L’union en août 2023.

Depuis, plusieurs chapitres se sont écrits en justice : le tribunal de commerce de Reims a liquidé toutes les entreprises de Didier Chopin en avril, ses vignes ont été vendues à la Safer Grand Est pour 1,8 million d’euros, et une demi-douzaine de salariés sont aux Prud’hommes. Une nouvelle page judiciaire s’ouvre désormais. Ou plutôt, s’est ouverte dans l’ombre, ces deux dernières années. Elle contient plusieurs plaintes de victimes présumées de faits à caractère sexuel, toutes visant l’ancien viticulteur marnais. Le procureur de Reims, François Schneider, évoque des faits « essentiellement de harcèlement sexuel, mais aussi des agressions sexuelles, voire des viols » . Il confirme qu’une « enquête préliminaire est en cours », confiée à la gendarmerie de Reims, et preuve que l’affaire est prise au sérieux, « une ouverture d’information judiciaire est à l’étude » .

 DIX VICTIMES SELON LE PARQUET DE REIMS

Dans le détail, précise le substitut du procureur Pedro Texeira, le dossier compte « cinq plaintes et dix victimes présumées » . La différence s’explique par le fait que « toutes les personnes dénonçant des faits n’ont pas déposé plainte » . Les faits auraient eu lieu « entre 2018 et 2022 » , tantôt au siège du groupe, à Champlat-et-Boujacourt (Marne), tantôt sur le site axonais de Billy-sur-Aisne, près de Soissons.

Il s’agit majoritairement de « harcèlement sexuel et moral sur le lieu de travail » , mais aussi d’ « agressions sexuelles pour deux personnes » , ainsi que d’un viol présumé, qui remonte à plus longtemps. « Une personne dénonce des faits de viols, sur une période allant de 2006 à 2009 » , précise M. Texeira, qui qualifie le dossier d’ « important compte tenu du nombre de victimes et des faits dénoncés ».

Deux ex-salariées ont accepté de témoigner dans L’Union de ce qu’elles disent avoir subi. Chacune a porté plainte, l’une fin 2021, l’autre mi 2022 (lire leurs témoignages par ailleurs).

Avocat rémois de Didier Chopin, Francis Fossier ne souhaite pas s’exprimer dans le détail pour l’instant, « n’ayant pas accès au dossier puisque nous sommes encore au stade de l’enquête préliminaire ». Il déclare toutefois : « Mon client, qui n’a pas encore été entendu, nie totalement les faits qui lui sont reprochés. »

« C’était des attouchements sexuels, voire plus »

Deux anciennes salariées de Didier Chopin, défendues par l’avocat Gérald Chalon, du cabinet ACG à Reims, ont accepté de témoigner dans L’union de ce qu’elles auraient subi. Stéphanie Pelle-Mougin, 51 ans aujourd’hui, a travaillé deux ans et demi pour lui, comme « employé polyvalent ». Elle a porté plainte fin 2021 « pour harcèlement, mais les faits ont été requalifiés en agressions sexuelles. » Elle s’en explique : « C’était des attouchements sexuels, voire plus. Je ne m’en souviens pas précisément car ma seule envie à l’époque, quand ça arrivait, c’était de ne pas vomir et de ne pas pleurer. C’est arrivé plusieurs fois (…). J’ai quitté l’entreprise en septembre 2022. Quand j’y étais, au moins trois femmes salariées ont subi des faits de nature sexuelle. Mais on avait aussi des gens de passage, des fournisseurs, qui ont elles aussi subi des gestes déplacés. » ; « Entre anciennes salariées, on se serre les coudes, car on est au moins trois à avoir été victimes de lui », confie une autre salariée, la trentaine. Elle aussi a accepté de se confier à L’union, mais sous couvert d’anonymat. Le parquet de Reims nous a confirmé sa plainte et les faits dénoncés. « J’étais commerciale de mai 2020 à octobre 2022. À ce titre, j’étais souvent en voiture avec lui. Son comportement a changé de manière progressive. Cela a d’abord été des propos inappropriés, puis il a commencé à me donner des petits noms, à m’envoyer des SMS déplacés le week-end. Puis il s’est mis à me toucher les mains en voiture, etc. » La relation de plus en plus malsaine atteint un point de non-retour « le mardi 31 mai 2022 », se souvient la jeune femme. « Il avait l’habitude de payer un coup à boire sur le site de Billy (Aisne, NDLR) , avant de rentrer. Là, quand on est reparti, il était pas loin de minuit, j’étais en état d’ébriété, lui aussi. Je ne voulais pas, mais je me suis retrouvée dans sa voiture. Là, je me suis vraiment sentie en danger, à cause de ses paroles, de ses gestes, à force qu’il me prenne la main, qu’il me touche… Je lui ai demandé d’un coup de s’arrêter et je suis descendue. Je me suis retrouvée seule, à minuit au bord d’une route de campagne, totalement seule, mais au moins je lui avais échappé ». Elle s’est mise en arrêt dans la foulée, et a quitté l’entreprise quelques mois plus tard, en octobre.