Augmenter le délai de carence pourquoi pas jusqu’à 7 jours comme l’envisage le gouvernement ou bien les déclarer « d’ordre public », pour qu’ils ne soient plus pris en charge par les entreprises comme propose la CPME, le syndicat des petits patrons, afin de réduire le nombre d’arrêts maladie est une hérésie.

Outre le fait que cette dernière option proposée satisferait fortement les représentants patronaux (l’UMC en tête), paradoxalement, la mise en œuvre de telles dispositions inciterait ceux qui subiraient l’allongement des délais de carence à aller travailler en étant malades, contaminant ainsi leurs collègues de travail, tout en aggravant leur état de santé. Et, fatalement, finiraient par s’arrêter plus tard, mais aussi plus longtemps.

Cherchez l’erreur !

C’est ce que démontre Sandrine Foulon dans son article publié dans le magazine « Alternatives Economique », intitulé : CÔTÉ RECHERCHE – Augmenter le délai de carence réduit-il le nombre d’arrêts maladie ?

https://www.alternatives-economiques.fr/

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Dans sa chasse effrénée aux « arrêts maladie de complaisance », le gouvernement envisage d’augmenter le nombre de jours de carence. Or, les études montrent qu’il ne suffit pas de taper les salariés au portefeuille pour qu’ils aillent travailler.

 
Puisque les arrêts maladie explosent, empêchons les salariés de s’arrêter. Logique, pardi ! Et pour ce faire, pourquoi ne pas augmenter le délai de carence avant d’être indemnisé par l’assurance maladie ? Les salariés y réfléchiraient à deux fois avant de rester sous la couette.
 

Aujourd’hui, ceux du secteur privé sont pris en charge après le troisième jour d’arrêt, les fonctionnaires à partir du deuxième. Mais selon une information de La Tribune du 31 mars dernier, l’exécutif envisagerait de pousser ce délai à 4, 5, 6, voire 7 jours, allons-y gaiement.

Rien d’étonnant à cela, cette piste revient régulièrement sur le tapis dès lors qu’il s’agit de calmer le jeu sur les dépenses. Problème, il ne suffit pas de taper les salariés au portefeuille pour qu’ils aillent tout de même bosser, et leurs microbes avec eux. C’est même l’inverse qui se produit.

Selon une étude de la Drees de 2015, souvent citée et menée par l’économiste Catherine Pollak, les salariés couverts par leur employeur – la majorité des entreprises prend à sa charge les trois jours de carence – s’arrêtent moins, et moins longtemps.

Les chercheurs avancent deux explications à ce paradoxe : les autres, ceux qui doivent payer de leur poche, vont travailler en étant malades, aggravant ainsi leur état de santé, et ils finissent par s’arrêter plus tard mais plus longtemps.

Certains privilégieraient par ailleurs des arrêts plus longs sachant qu’ils seront indemnisés au bout de quelques jours.

Quant à la fonction publique, un jour de carence, qui n’existait pas jusqu’ici, a été mis en place en 2012, supprimé deux ans plus tard, puis réintroduit en 2018. Une étude de l’Insee (Cazenave-Lacroutz, Godzinski) a montré que les arrêts de deux jours ont certes diminué mais que ceux d’un mois ont augmenté.

Des délais de carence plus longs qui provoquent des arrêts plus longs, cela ne serait donc pas rentable pour la Sécu. Pour que les employeurs y gagnent aussi, il faudrait par ailleurs que les délais de carence soient déclarés « d’ordre public », c’est-à-dire qu’ils ne soient notamment plus pris en charge par les entreprises. Une proposition fortement poussée par la CPME, le syndicat des petits patrons.

Culpabiliser plutôt que régler les problèmes

Se pencher sur les facteurs qui expliquent cette inflation des arrêts éviterait que les malades soient pointés du doigt. Et que l’exécutif légifère une nouvelle fois en fonction de fraudeurs putatifs.

Quand bien même les arrêts dits de complaisance ou du « lundi » se trouveraient massivement dans la catégorie arrêts courts, raison pour laquelle ils sont ciblés par un allongement du délai de carence, ce ne sont pas ces derniers qui coûtent le plus cher à l’assurance maladie. Ce sont les arrêts longs.

Or, on sait désormais que l’allongement du départ en retraite contribue en partie à faire exploser les absences. Mauvaise nouvelle : l’échec des négociations sur l’usure professionnelle et l’emploi des seniors début avril n’augure rien de bon sur ce terrain-là.

L’air du temps n’est pas à la résolution de ces problèmes de fond mais à la culpabilisation. A chaque dérapage budgétaire, son coup de bâton.

Des rendez-vous médicaux ne sont pas honorés ? Le gouvernement sort de son chapeau une taxe lapin. Mais en matière de santé ou d’éducation, le ressort financier n’est pas forcément un aiguillon efficace.

Faire payer 3 dollars aux parents pour en finir avec les retards à la crèche produit l’effet inverse : ils augmentent. Une étude israélienne (Gneezy, Rustichini, 2000) a ainsi montré que les familles se déresponsabilisaient en réglant l’amende.

Une autre étude française (Deschamps, Pénin, 2016), menée dans un centre de loisirs à Asnières-sur-Seine, a nuancé ce constat : la sanction pécuniaire peut marcher si elle est proportionnelle au retard, si elle s’accompagne d’une autre motivation (le respect vis-à-vis du personnel éducatif) et si elle résulte d’une décision prise « en concertation » avec les intéressés. Une habitude devenue rare.