Endless bottles, one broken leaving a negative space

En 2020, les expéditions étaient retombées à 244 millions de cols.

La projection des ventes à fin 2021 se situe au alentour 305 millions de bouteilles expédiées .

Au sortir d’une vendange très compliquée pour de nombreux acteurs champenois, la profession s’est félicitée d’un rebond exceptionnel des expéditions de bouteilles. La crise sanitaire mondiale avait marqué cette année 2020, à l’issue de laquelle les chiffres des ventes avaient plongé (244 millions de bouteilles, -18 % par rapport à 2019), et malgré la survivance du virus à travers le monde, la suivante s’annonce sous les meilleurs auspices.

Lors du salon Viteff, qui s’est tenu à Épernay du 12 au 15 octobre, le président du Syndicat général des vignerons, Maxime Toubart, a annoncé une projection pour 2021 à 305 millions de bouteilles expédiées. Ce serait donc près de 8 millions de cols supplémentaires par rapport à 2019, une année où un record avait été établi : plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. On devrait s’en approcher pour 2021. Une donnée qui explique sans doute, en partie, pourquoi les syndicats et travailleurs du champagne réclament une part un peu plus importante de ce gros gâteau.


« Forcément, la grogne grandit »

Dans un contexte de forte reprise des ventes de champagne et d’augmentation des prix de l’énergie, ouvriers et employés de plusieurs maisons de champagne réclament des augmentations. Des mouvements de grève sont observés à Épernay, Reims, Magenta et même Avize.

LE GROUPE LANSON-BCC ET GH MARTEL MIS À RUDE ÉPREUVE

Le puissant groupe Lanson-BCC, troisième en Champagne derrière Moët Hennessy et Vranken-Pommery, est aussi gêné aux entournures d’une part, du coté de sa maison sparnacienne Champagne Burtin et d’autre part, du côté de sa maison rémoise Champagne Lanson, où un autre conflit social couve. Depuis le 06 octobre les salariés de la maison de champagne Burtin sont en grève. Il ont à nouveau manifesté, cette semaine, devant leurs locaux situés rue Maurice-Cerveaux. Mardi matin, plusieurs camions n’ont pas pu rallier les quais de chargement, face à la présence de grévistes sur la chaussée. « On n’a bloqué personne, on manifestait simplement dans la rue et les camions n’ont pas voulu nous rouler dessus », raconte, taquin, José Blanco, délégué syndical CGT. Main dans la main, son syndicat et FO réclament, notamment, des négociations annuelles obligatoires « loyales », afin d’obtenir une augmentation des salaires. Une délégation a été reçue jeudi matin. « On avance, car le directeur (Frédéric Olivar) a parlé de primes, mais nous, ce qu’on veut c’est des augmentations, surtout pour les bas salaires », livre Blanco qui regrette que « les conditions de travail se [soient] dégradées depuis le rachat de maison Burtin par le groupe Lanson-BCC, en 2006. » Le délégué syndical assure même que la direction cherche à faire pression sur les cadres afin de les monter contre les employés et ouvriers grévistes, ce qu’a démenti, lors de la réunion de jeudi matin, le patron de la maison. 

Du coté du champagne Lanson à Reims, depuis mercredi, une grande partie des 54 ouvriers et employés arrêtent le travail pendant 15 minutes, chaque jour, afin de peser sur les négociations salariales annuelles, ouvertes au début du mois et dans lesquelles les syndicats ne se retrouvent pas. « La direction est prête à nous accorder 500 € de prime Macron à condition qu’on lâche du lest sur notre mutuelle », explique un délégué syndical de la maison Lanson. Un vieil accord prévoit que l’employeur prenne en charge une grande partie de la complémentaire santé des actifs et l’intégralité de celle des retraités. « La direction nous dit que ça lui coûte trop cher, mais c’est un acquis social que nous avons depuis très longtemps et que nous voulons garder », poursuit le syndicaliste, qui assure être « déterminé » à poursuivre la mobilisation.

Du côté de Magenta, c’est au champagne GH Martel que les salariés débrayent, chaque jour pendant quelques quarts d’heure, depuis le début du mois. Là encore, le syndicat CGT réclame la mise en place de primes, mais « la direction refuse d’ouvrir les négociations », selon le secrétaire du comité social et économique. À Avize, un mouvement de grève rarissime touche la coopérative Union Champagne, où les salariés réclament également la « prime Macron ». Sans oublier les travailleurs sparnaciens de Perrier-Jouët, dont une partie se sont, en début d’année, au projet de transfert d’une partie des activités vers le site de production de GH Mumm, à Reims. 

Ces mouvements sociaux, qui portent principalement sur des revendications salariales, interviennent dans un double contexte : une forte hausse du prix des énergies et un impressionnant rebond des expéditions de champagne. Même si, dans certaines maisons, le climat semble dégradé depuis de longues années. « Les négociations annuelles sont bloquées depuis longtemps chez Lanson-BCC, Vranken-Pommery et Martel. Il y a des réunions, car c’est une obligation légale, mais les revendications n’évoluent pas, croit savoir Patrick Leroy, secrétaire général de l’intersyndicale CGT Champagne. Le climat est tendu, d’autant plus qu’on va connaître une année record et que socialement, ça n’avance pas. Forcément, la grogne grandit. »

Les responsables syndicaux l’assurent, ils sont déterminés à poursuivre leur mobilisation, voire à se soutenir mutuellement. C’est dans ce contexte très tendu que ce profile les NAO de la branche champagne en début d’année 2022. D’autres conflits seront-ils à prévoir ?…