Devant les grilles de Perrier-Jouët, une cinquantaine d’élus de l’Intersyndicat CGT du Champagne venus soutenir les salariés en lutte, dans une ambiance combative et solidaire. © CGT champagne

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 24 juin 2025

⏱️Temps de lecture 5 minutes

Ce mardi 24 juin 2025, la colère sociale et la solidarité syndicale ont occupé l’avenue de Champagne. À l’appel des élus CGT de Perrier-Jouët, une cinquantaine de militants de l’Intersyndicat CGT du Champagne se sont rassemblés pour soutenir les salariés en lutte depuis le 2 juin.

📽️ La vidéo de la mobilisation est à retrouver en fin d’article.

Depuis le 2 juin, les salariés de Perrier-Jouët ont entamé un mouvement de grève symbolique mais déterminé : un quart d’heure le matin, un quart d’heure l’après-midi, pour dénoncer l’absence totale de dialogue social lors des Négociations Annuelles Obligatoires. La direction a refusé toute discussion, imposant unilatéralement une hausse salariale dérisoire de 1,1 %, inférieure à l’inflation et aux augmentations du SMIC. Pas un centime pour les augmentations individuelles, rien pour les cadres, aucune prime ou abondement. Seul lot de consolation : un carton de champagne offert aux salariés. Un mépris de plus, quand on connaît les résultats financiers de l’entreprise : 175 millions d’euros de chiffre d’affaires et 36,3 millions de bénéfices nets en 2024.

Yoann Leroy (CGT Perrier-Jouët) : “On n’a même pas eu de désaccord, puisqu’on n’a jamais eu de négociation !”

Le délégué syndical de Perrier-Jouët a ouvert les prises de parole en remerciant les nombreux camarades présents. Il a souligné que cette journée tombait symboliquement sur la fête des cavistes, “une fête qu’on a un peu oubliée, tant on ne fête plus rien chez nous.”

Yoann a dénoncé l’absence totale de volonté de dialogue de la direction : “On nous a transmis un procès-verbal de désaccord… mais pour qu’il y ait un désaccord il aurait fallu de véritables négociations ! Ils ont dit non à toutes nos revendications dès le départ.” Face à des bénéfices records, il a jugé les propositions patronales “inadmissibles et humiliantes”, et alerté sur la politique de dégraissage menée dans l’entreprise : “On était 75, on est 36 aujourd’hui. Et même ceux qui restent ne sont pas valorisés.”

Il a rappelé que les salariés sont “la première variable d’ajustement”, qu’on continue d’user toujours plus avec les suppressions de postes, la désorganisation du travail et la pression constante. “Les bouteilles sortent grâce à ceux qui les produisent. C’est un affront de geler nos salaires alors que la maison enchaîne les années records.” Il a conclu en remerciant l’Intersyndicat pour l’organisation et les collègues des autres entreprises venus en renfort : “On n’est pas seuls. Ensemble, on est plus forts.”

José Blanco (secrétaire général de l’Intersyndicat CGT Champagne) : “Le champagne, ce n’est pas du profit en bouteille, c’est le fruit de notre travail !”

José Blanco a pris la parole pour élargir la perspective à l’ensemble de la filière : “On est ici parce que ce qui se passe chez Perrier-Jouët, c’est le reflet de ce qu’on subit partout dans le Champagne.” Il a fustigé la mainmise des logiques financières sur les maisons : “Ce ne sont plus des employeurs, ce sont des financiers. Depuis les années 1990, ils ne pensent qu’à la rentabilité, au détriment de l’humain.”

Il a dénoncé la stratégie délibérée d’appauvrissement des travailleurs, en particulier dans les vignes, avant d’alerter : “C’est ce qui arrive aussi dans les caves et dans la production. On nous remplace par des prestations externe, on nous écarte, et demain on ne pourra plus faire de champagne parce qu’il n’y aura plus personne pour transmettre nos savoirs faire pour le produire.”

José a insisté sur la nécessité de faire bloc : “Vous croyez faire du champagne sans salariés ? Vous vous leurrez. Regardez ce qui se passe dans le Bordelais : la casse sociale a détruit une partie du secteur.” Il a aussi salué la visibilité grandissante de la CGT Champagne : “Quand on voit la statue de Dom Pérignon avec une casquette CGT sur la tête faire le tour du monde sur les réseaux, on se dit : ne lâchons rien, continuons. Et merci aux camarades pour l’organisation : les gars savent recevoir !”

Thierry Aubertin (CGT vignoble Mumm Perrier-Jouët) : “Les économies se font sur notre dos, et les conflits remontent partout.”

Thierry Aubertin a exprimé le soutien des salariés du vignoble et de la maison Mumm : “On est là parce que ce qui se passe ici nous concerne tous.” Il a dénoncé un climat social tendu dans l’ensemble du groupe Pernod Ricard, alimenté par des tripartites de la branche champagne inefficaces et des plans d’économie brutaux : “On est dans une logique de coupes franches, et les conflits remontent dans toutes les maisons.”

Il a également pointé les incertitudes sur l’avenir de Mumm, évoquant les rumeurs de cession et les conséquences sur les périmètres d’activité, y compris chez Perrier-Jouët : “Il y a un climat d’instabilité, et on sait qu’on va en payer le prix.” Thierry a rappelé que les élus ont déclenché un droit d’alerte et rencontreront César Giron, PDG de Martell Mumm Perrier-Jouët, le lendemain à Reims : “On ne s’attend pas à des révélations, mais on posera les questions qu’il faut poser.”

Boris Bonningre (CGT Mumm) : “C’est un PSE déguisé. L’humain, ils s’en moquent.”

Boris Bonningre a poursuivi en évoquant le projet Tomorrow 2, récemment présenté chez Mumm : “C’est un plan de suppression d’emplois déguisé. On ne sait pas combien de postes vont sauter, mais l’ambiance est terrible.” Il a insisté sur l’insécurité permanente que vivent les salariés : “On vient bosser sans savoir si on sera encore là demain.”

Il a conclu en critiquant la logique de rente actionnariale qui écrase les conditions de travail : “Les actionnaires veulent toujours plus, même quand les résultats baissent. Et quand ça baisse un peu, c’est nous qui trinquons. Cette stratégie de précarisation est assumée, et c’est pour ça qu’on est là, tous ensemble.”

La solidarité, un pilier de la lutte

Ce rassemblement réussi devant les grilles de Perrier-Jouët a démontré la force de la solidarité syndicale dans le Champagne. La cinquantaine d’élus présents, venus de nombreuses autres maisons, a envoyé un message clair : la lutte des salariés de Perrier-Jouët est aussi celle de tout un secteur menacé par les logiques de rentabilité à tout prix.

La CGT Champagne tient à remercier chaleureusement l’équipe de l’Intersyndicat CGT chargée de la logistique de cette journée : installation des banderoles, gestion du barbecue, sono, matériel militant… Grâce à cet engagement collectif, la colère s’est exprimée haut et fort.

📽️ Vidéo de cette mobilisation ci-dessous.